African Couenne
Manuel Poutte manie aussi bien la fiction que le documentaire. Il choisit le genre de film le mieux adapté à son propos, mais son travail est toujours hanté par les mêmes questions fondamentales : qu’est-ce qui fait que l’homme est un homme, et quelle est sa place au sein d’un univers de plus en plus rationaliste, de plus en plus aseptisé, bref de moins en moins humain ? Cette fois, c’est en Afrique qu’il a choisi de poser sa caméra. Il la connaissait déjà pour y avoir erré à la rencontre de gens et de cultures très différentes, mais il n’y avait jamais encore exercé son activité de réalisateur. L'Afrique, il la sent marquée par une spiritualité profondément différente de nos conceptions occidentales. Pourtant, il lui faut, bon gré mal gré, composer avec nos cultures européennes, au danger d'y perdre son âme. Dans son documentaire Welcome to Paradise (voir critique dans ce numéro), il nous fait vivre cette perte de manière particulièrement poignante. Dans le long métrage de fiction Les tremblements lointains, il explore un rapport au sacré qui le fascine par sa magie. Un regard animiste, chargé de symboles, porté sur le monde par des cultures encore très en phase avec les forces de la nature. Et en filigrane des deux films, l’idée de la soi-disant supériorité de notre culture occidentale. Une idée posée en axiome incontestable par certains, mais que Manuel Poutte, qui a horreur des évidences imposées, remet à plat de fort plaisante façon.