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Série noire, de Pascal Adant

Publié le 01/09/2005 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique
Série noire, de Pascal Adant

En Belgique francophone, une nouvelle génération de cinéaste essaie, en tournant des courts métrages, de se servir des codes du cinéma de genre pour éviter le label « auteuriste ». Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu de renversant dans ces essais thrillero-pateux ou psycho-pâteux. L'exception venant de Série noire, un film de Pascal Adant qui nous démontre qu'il est possible de faire un film de genre qui ait le regard d'un auteur. Pascal Adant s'est tout d'abord essayé à l'animation, et au live mixé de séquences d'animation. Bref, un cinéaste qui aime expérimenter. Le pitch de Série noire ? Alice perd son père lors d'un accident d'avion dont elle pressent le moment (beau passage de la couleur au noir et blanc avec ralenti). Lors de l'enterrement du père, celle-ci a un coup de foudre pour un inconnu qui assiste aux funérailles et que personne ne semble connaître. Elle est à ce point atteinte par la flèche de cupidon qu'elle en délire et tue pour pouvoir le revoir lors d'enterrements successifs. Série noire montre le dédoublement d'Alice qui traverse le miroir de la réalité.
La confusion mentale d'Alice contamine peu à peu le film. On entre dans la logique du fantasme. Nous sommes au coeur d'une thématique dont le cinéma américain a décliné les multiples variations L'intelligence de Pascal Adant, est d'avoir joué sur le hors champ (on ne voit jamais vraiment l'homme dont Alice est amoureuse, sauf de dos). Une mise en scène elliptique (qui nous montre que tout voir c'est souvent être condamné à ne rien voir), d'une grande beauté formelle (Pascal Adant n'est pas graphiste pour rien) ne reculant pas devant la couleur pure (tout le monde dénature les couleurs de nos jours). Le film aurait pu n'être qu'une construction mentale, un délire exhibé. Il n'en est rien Le réalisateur effleure, évoque puis dévoile la psychose d'Alice. Aidé, en cela, par la belle interprétation de Circé Lethemdont on ne dira jamais assez tout le bien qu'on en pense.

 

Que ce film soit une auto-production est moins surprenant qu'il n'y paraît lorsqu'on sait qu'en Belgique, le cinéma de genre est abandonné aux autres cinématographies : françaises, américaines, japonaises ou espagnoles. En tout cas Pascal Adant nous prouve qu'il n'y a pas besoin de gunfichts ou de scènes gores pour réaliser un film envoûtant. Soulignons les performances de Danielle Denie (la mère), Roger Van Hool (le père) et Sandrine Blancke (la soeur) qui est décidément dans tous les bons coups. Au niveau musical, les subtiles variations entre La Traviata et le Requiem de Verdi anticipent les événements et soulignent les dérèglements mentaux d'Alice.

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