Noël Godin
Bien qu'ayant passé la nuit à corriger les épreuves de Godin par Godin, son prochain ouvrage, que vont publier les éditions Yellow Now, il respire la grande forme. " C'est la folie totale, il faut rester à la fois speed et cool !" nous dit-il en faisant du café à la manière d'Harrold Lloyd, en trois fois car il ne met jamais suffisamment d'eau dans la bouilloire ! Dès l'age de dix ans, ce roi du slapstick choisissait, pour toute la famille, les films à voir le dimanche après-midi au Palace ou au Forum de Liège. A 14 ans, il voit tous les films sortant en salles mais c'est en allant au Caméo, animé par Hadelin Trinon, qu'il découvre le cinéma d'auteur, en voyant ébloui, M le maudit de Fritz Lang.
Dés lors il se jette, comme la misère sur le peuple, sur Les Cahiers du Cinéma et Positif, deux revues dont il collectionne les analyses. Dans la foulée il remporte le Prix des Jeunes critiques; un concours organisé par Les Amis du film et de la télévision dont il devient, à la demande de Jean De Bognie, son directeur, l'un des principaux rédacteurs. Sérieux, comme un pape, il jette des bulles à l'ensemble de la critique belge qu'il juge médiocre, invertébrée et, pour reprendre son expression, " plan-plan, animée par de pales cornichons ".
Mai 68 bouleverse la donne, les revues françaises versent dans l'intellectualisme ultrapolitisé. Il signe, quant à lui des critiques de cinéma dans Actuel sous le pseudonyme de Léon Dingo tout en continuant à écrire sous huit noms différents le tiers des Amis du Film ! Son esprit séditieux s'y déploie dans tous les sens : il y publie de faux interviews, y annonce de fausses nouvelles, bref " c'est joyeusement et totalement apocryphe ! " C'est à ce moment-là qu'il montre Les Cahiers du Cinéma (1972), un ready made filmique fabriqué à partir d'une bande d'instruction militaire. Ce canular est suivi de Prout prout tralala, réalisé en Super 8 et dont les plans chahutés (ne parlons pas des jump cut qui ferait pâlir de jalousie le Godard d'A bout de souffle) en font presque un manifeste dadaïste du cinéma. Grève et pets (1976) qui se tourne dans une usine de Soignies, à l'insu du plein gré de son directeur, simule une orgie qui se transforme - le vin rouge aidant - en vraie orgie. L'esclandre révélé par Pan provoque un énorme scandale dans l'establishment culturel : " dont les piteux essais et les pensum emmerdants n'avaient d'autre public qu'eux-mêmes " et n'empêchera pas ce film croquignolesque, plein de " sacripenteries délirantes " de faire le bonheur des Festivals d'art et d'essai. A partir de 1982, Godin écrit dans Visions, le Bloc Note d'un ciné-maroufle dont le ton anarcho-mallarméen n'a pas fini d'amuser les cinéphiles. Nous vous recommandons la Chronique consacrée à la Oud Zotteghem comme adjuvant créateur du ciné belge (Visions n°17).
Un coup de fée jamais n'abolira le hasard. Trois ans plus tard il entarte Godard, au Festival de Cannes, devant votre serviteur qui immortalise photographiquement la scène, pour avoir commis Je Vous salue Marie, une bondieuserie que Godin juge insupportable pour un cinéaste qui a tourné Vivre sa vie. Godard prend très bien la chose contrairement à son entourage. Nous avons le souvenir de Frédéric Mitterand, fou de rage, car la crème chantilly avait tâché sa veste rose fuchsia. Interdit de Festival, parmi les journalistes accrédités, Godard qui a compris le gag cinématographique intervient personnellement pour qu'il y soit réintégré. Puis c'est le tour de Marco Ferreri (avec lequel il se réconcilie tout à trac, grâce (bien qu'on ait mauvaise grâce de parler de grâce) à Bucquoy), suivent Marguerite Duras et BHL (pour les personnalités cinématographiques).
En 1999, il réalise, Si j'avais dix trous de culs, un nouveau court métrage de 7', produit par Canal+, dans le cadre des dix ans d'existence en Belgique de la chaîne cryptée. Tourné Place du Jeu de balle, on y assiste à la première injection d'un suppositoire de la douce main de Marie Gillain dans le derrière de Robert Dehoux. Il s'agit de l'adaptation moderne et cornichone d'Aladin et la lampe merveilleuse qui conte et compte dix souhaits en dix minutes. Au centre du film, la Zotteghem coule à flots. Gloupitant plus que jamais sur la pente savonneuse de tirbouchonnantes aventures, Noël Godin sera le héros de deux moyens métrages (Que qui peut puisse, 58' et ReBelge, 28') diffusés au Nova et sur Canal+ France.
Ce n'est pas fini. Oyez, Oyez, polissons : il devrait à l'aube du siècle nouveau tourner un long métrage avec Marc-Henri Wajnberg, partir chez les Chiappas avec José Bové à l'invitation du sous-commandant Marcos et accompagné d'une équipe d'Envoyé Spécial de France2 (Godin ayant promis à un éditeur parisien de tenir son journal de bord lequel sera illustré au retour par Siné).
En février sortira, PPDAAPT, la suite de Crème et Châtiments, dont la préface sera signée Jean-Pierre Bouyxou son vieux complice en gloupinades.
En mai, fais ce qu'il te plait, le maroufle publiera Armons-nous les uns les autres, son premier roman, subversif, of course. Si l'on vous dit que ce boulimique est l'un des héros de La société du Spectacle et ses commentaires, l'opus 5 de La Vie sexuelle des Belges, de son pote ravacholinesque Bucquoy, vous nous direz qu'il boit trop de Zotteghem. Que direz-vous si on ajoute que son obsession actuelle est de rendre à Chantal Akerman, sur le plateau du journal du Cinéma de Canal +, le baiser que celle-ci lui a donné au récent festival de Namur à la stupeur générale des spectateurs de cette scène d'amour insolite.
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