Marie-Hélène Massin a fait des études de réalisation à l'INSAS. Elle a mené en parallèle son travail de réalisatrice tout en étant un pilier du Centre du Cinéma de la FWB pendant quelques décennies.
C'est cruel, la ville
Quand j'étais petite, quand j'avais neuf ans, quand je croyais que j'étais déjà grande et seule face à mon destin... Quand je vivais encore entre la Meuse et le Canal Albert dans les campagnes proches de la Hollande, je voulais devenir journaliste et relater au jour le jour les grands événements qui se déroulaient dans le monde. J'observais mon frère (dix ans de plus que moi)... Tous les jours, il lisait des journaux et écoutait la radio. Ensuite, il consignait dans un petit carnet avec une toute petite écriture minutieuse le résumé de ses lectures. Avec toutes ses connaissances, il concourait haut la main à des jeux radiophoniques. Plus tard, je me voyais faire de la politique comme mon père, pour parler avec les gens et prendre des décisions, des bonnes décisions. Puis un jour, mon père m'a inscrite à l'Académie de Visé aux cours de solfège, chant et diction. Devant l'enthousiasme de mon prof de chant, une femme ronde aux lèvres toujours impeccablement rouges et au souffle terriblement harmonieux, je voulus devenir chanteuse d'opéra. Devant la tendresse de mon prof de diction, j'ai découvert le bonheur de réciter des poèmes devant les gens, de les sentir touchés. Plus tard, je me suis dit : je serai comédienne. Le mari de ma prof était comédien à la Communauté de Seraing... C'était la grande époque du théâtre d'intervention sociale. Je m'y voyais très bien. Cela pouvait combiner tout ce que j'aimais. Bref dans ma tête d'ado, tout était accessible, possible. Plus tard, je suis entrée à l'INSAS de manière hasardeuse. J'ai découvert la ville. C'est cruel, la ville. Je me suis rendu compte que je ne serais pas comédienne et que je ne savais pas ce que je voulais faire. Enfin..., je voulais surtout avoir un amoureux et quelques enfants à moi. A la fin de mes études réussies de piètre manière, j'ai rencontré un amoureux, j'ai trouvé un boulot au Ministère et un peu plus tard, j'ai eu un fils. Le bonheur. C'est à partir de ce moment-là que m'est venu une envie terrible de faire un film sur les personnes rondes et l'envie surtout de communiquer à d'autres mon regard sur les personnes rondes. Puis sur les vieux. Puis sur les Turcs. Puis... à mon rythme. Aimer et être aimé(e).