Métier : Réalisateur
Ville : 4031 Angleur
Pays : Belgique
Email : Cliquez ici
Site web : Cliquez ici
Date de naissance 13/10/1952
Thierry Michel est né le 13 octobre 1952 à Charleroi en Belgique dans une région industrielle surnommée "Le Pays Noir". A 16 ans il engage des études de cinéma à l'Institut des Arts de Diffusion, à Bruxelles. Il y vit les derniers bruissements de mai 68 et l'agitation étudiante, prélude à un engagement politique, dans les engrenages militants et lyriques de l'époque.
Au bassin minier et sidérurgique de son enfance, il réalise ses premiers films documentaires "Pays Noir, Pays Rouge" et "Chronique des Saisons d'Acier". Il y réalise également son premier long métrage de fiction "Hiver 60" qui raconte la grande grève insurrectionnelle belge de 1960. Peu après, alternant documentaires et fictions, il entre une caméra poignante et complice dans les murs d'une prison pour son film "Hôtel Particulier", un hymne à la liberté au coeur de l'enfermement.
Ensuite, après ces années d'une quête d'identité et d'enracinement régional et politique, Thierry Michel part vers d'autres continents à la recherche d'autres solidarités, d'autres utopies. Dans ce Maroc profond qui l'a toujours attiré, il réalise son deuxième long métrage de fiction "Issue de Secours", une oeuvre poétique et mystique au coeur du désert.
A la fin des années 80, il opère un retour au réel avec le Brésil bouleversant des gosses de rue et des favelas (bidonvilles) qu'expriment les émouvants "Gosses de Rio" et "A Fleur de Terre". Il y découvre la culture noire, cette culture qu'il va approfondir au Zaïre avec son célèbre et plusieurs fois primé "Zaïre, le cycle du serpent", un portrait impitoyable de la nomenclature et des laissés pour compte de la société zaïroise.
Bref retour au pays, il y filme un ministre déchu au coeur d'un scandale politico policier qui ébranle profondément la Belgique "La Grâce Perdue d'Alain Van Der Biest" avant de reprendre son sac à dos et d'aller interroger le bien fondé de la charité armée internationale avec "Somalie, l'Humanitaire s'en va-t-en guerre".
Quelques mois plus tard, il repart au Zaïre pour y réaliser un film sur l'héritage colonial et la présence blanche dans ce pays après 35 ans d'indépendance, "Les Derniers Colons". Quelques jours après son arrivée, il est arrêté, incarcéré et expulsé du pays. Son matériel saisi, il termine son film grâce à ses archives personnelles et aux images tournées lors des repérages.
Il réalise un documentaire sur le rapport historique entre Zaïrois et colons blancs durant ces 35 années d’indépendance du Congo/Zaïre, “ Nostalgie post-coloniale ”. Après quoi, il repart pour l’Afrique réaliser une oeuvre majeure “ Donka, radioscopie d’un hôpital africain ”. Ce tragique portrait humaniste et sans concession de l’hôpital de Conakry en Guinée obtiendra les plus grandes distinctions tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
Toujours entraîné dans le sillage de l’Afrique, Thierry Michel engage, après la chute du dictateur zaïrois, la réalisation d’un documentaire historique qui n’est pas sans rappeler les grandes tragédies shakespeariennes : “ Mobutu, roi du Zaïre ”.
Après 10 années et sept films réalisés en Afrique, il repart vers l’Asie, en République Islamique d’Iran, dans l’un des berceaux de l’islamisme intégriste. Il y réalise son dernier film « Iran, sous le voile des apparences » qui dresse le portrait d’une société fracturée, socialement et culturellement. L’œil du cinéaste y capte la ferveur religieuse des uns qui contraste si violemment avec le désir de liberté des autres. Sélectionné dans les grands festivals, à nouveau il glane de nombreuses distinctions internationales.
Thierry Michel va ensuite remonter le fleuve Congo et voyager à nouveau dans l'histoire, la mémoire et le destin de l'Afrique. Cheminement personnel vers la source et les origines de ce pays, il continue avec "Congo River" sa quête de lumière et de ténèbres, porté par le désir de remonter dans le mystère et les profondeurs de sa forêt équatoriale et de son fleuve majestueux.
Insatiable de curiosité, Thierry Michel n'arrête pas depuis plus de 30 ans de filmer les visages qui peuplent la "réalité sublimée" de sa caméra à travers le monde. "Les clés sont les mêmes, ici ou là-bas. Les distances avec l'autre s'abolissent. L'homme est le même partout, les pulsions de vie et de mort s'affrontent de façon identique. Et je n'ai pas fini de chercher."
Ici, même la neige est noire
Lors de ma communion solennelle, à douze ans, je reçois mon premier appareil photo. A l'aube de mon adolescence, mon désir le plus impérieux est de pouvoir faire des photos de ce monde qui m'entoure, ma famille, mes amis, mais aussi ma région, le pays de Charleroi, surnommé le Pays Noir, avec ses temples industriels et ses horizons balayés de cheminées d'usines, de terrils et de châssis à molette. C'est au coeur de ces paysages baignés de poussière de charbon que naît cette curiosité d'un enfant qui s'enfonce au plus profond de ce Pays Noir, l'appareil en bandoulière, pédalant sur son vélo à travers ces routes pierreuses, boueuses et noircies par l'histoire et la sueur des hommes. Ici même la neige est noire, de cette pluie fine de poussière industrielle. Ainsi s'égrènent les jours, les semaines et les mois dans cette arrière-province où l'on sent la gloire et la renommée d'un glorieux passé industriel foutre le camp. Bientôt, il ne restera à la classe ouvrière, comme lettres de noblesse, que le souvenir de cette épopée industrielle et de ses grandes luttes. Cette époque avait forgé une conscience de classe et une aristocratie du peuple. Les valeurs de travail et de lutte sociale, les deux mamelles de la dignité populaire, y sont plus que sacrées. De retour de ces balades à vélo, il m'arrive d'aller chez des voisins, un couple de milieu populaire. Le mari, un policier pensionné, a une des premières télévisions du quartier, autour de laquelle une famille d'immigrés italiens, mon frère et moi-même allons participer à ce rituel, en ce temps-là exceptionnel, où, rassemblés autour d'une table, nous pouvons assister à quelques films, inédits dans cette petite ville de province. Ces films font partie d'un cycle dont j'ai oublié le nom mais qui diffuse principalement les classiques du cinéma de l'époque. De ces soirées, je garde le souvenir de deux films qui ont marqué mon adolescence. Ils sont réalisés par des cinéastes dont le nom, à l'époque, ne me dit rien mais dont les personnages et les images me remuent profondément. Le premier s'appelle Un condamné à mort s'est échappé. Signé de Robert Bresson, c'est un film austère pour ne pas dire janséniste. A travers l'aspiration spirituelle d'un prisonnier, il fait appel à la conscience et interpelle cette quête de liberté que chacun porte en soi. Je ne sais trop pourquoi ce film me rappelle la liturgie religieuse, les messes dominicales que je vis, en ce temps-là, avec beaucoup de sérieux et d'engagement. Un deuxième film m'interpelle tout autant. Il a un nom italien, la Strada, dont je ne comprendrai la traduction que beaucoup plus tard. Un homme et une femme, devenus couple par nécessité, s'y affrontent dans un duel de sensibilités et de personnalités. Dès les premières images de ce film sur une plage en bord de mer, images de déchirement et d'arrachement, je ressens une poésie profonde qui va me tasser sur cette chaise inconfortable face à cet écran noir et blanc de télévision. A la fin du film, il m'est difficile de retenir mes larmes. Ce n'est donc pas par la fréquentation des salles de cinéma, et encore moins par la curiosité cinéphilique que s'affirme ce désir de partir à Bruxelles réaliser des études de cinéma. Mon impatience me fait accélérer le cours de mes études secondaires et me permet d'entrer à l'Institut des Arts de Diffusion, à Bruxelles, alors que je n'ai pas encore 17 ans. C'est à l'IAD que se confirme ce qui était sans doute une vocation quand j'y découvre un film qui me parle de mon enfance et de ses paysages. Ce film est le chef-d'oeuvre de Paul Meyer, Déjà s'envole la fleur maigre, avec toute la puissance de sa sensibilité aux êtres, avec ce mélange de réalité brute et de poésie du regard. Dès ce jour, il m'est impérieux de rencontrer Paul Meyer, ce qui a lieu quelques mois plus tard. Encore tout jeune étudiant, je deviens son assistant et il devient mon maître. Dès cette rencontre les choix sont pris, celui d'un cinéma de chair et de sueur, cinéma engagé dans le réel des hommes et de leurs luttes.