Henri Storck est un cinéaste et documentariste belge né à Ostende le 5 septembre 1907 et décédé à Bruxelles le 17 septembre 1999.
Auteur de plus de soixante films, célèbre pour des courts-métrages comme Misère au Borinage, son nom reste associé durablement à l’école documentaire belge. Henri Storck commence par tourner des essais documentaires d'avant-garde sur sa ville natale puis, il expérimente le found footage et réalise quelques films militants. Il travaille pendant l'occupation allemande. A la libération, il devient en Belgique un cinéaste au statut quasi officiel, le père du documentaire belge. Il a inspiré de nombreux cinéastes belges et les frères Dardenne, recevant la palme d'or pour Rosetta, lui ont rendu hommage.
1927-1928
1929-1930
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1970-1971
1975
1978
1985
Quatre chevaux blancs fonçaient sur les spectateurs
Avant la guerre de 1914 mes parents s'installèrent à Ostende, dans la rue d'Ouest. En face de notre magasin de chaussures, un ami de mon père ouvrit une vaste halle où l'on vendait des légumes et des poulets et des douzaines d'autres produits alimentaires. Cette initiative sans doute trop nouvelle pour l'époque n'ayant pas connu le succès espéré, mon père suggéra à son ami de transformer cet énorme local en salle de cinéma. Le résultat fut la création d'un lieu magique baptisé Cinéma Palace. De grandes peintures murales plongeaient les spectateurs dans l'univers de l'Egypte ancienne, avec son Sphinx monumental, ses pyramides, ses palmiers, ses files de chameaux, la vie grouillante du Caire et d'Alexandrie. Le pianiste semblait s'amuser beaucoup, toujours très inventif, soit qu'il improvisât, soit qu'il suivît une partition écrite spécialement pour le film, ou encore qu'il jouât des airs du répertoire d'après des indications jointes à la copie du film. Adroit comme un singe, il manipulait en virtuose une batterie d'objets disposés à côté de son piano : pistolets pour les coups de revolver des crimes passionnels, castagnettes pour imiter le bruit des sabots des chevaux, graines de plomb glissant sur une toile pour le bruit des vagues, seaux d'eau et éponges pour le bruit des gouttes de pluie. Du haut de ma petite chambre située de l'autre côté de la rue, j'entendais les sons du piano, ce qui me permettait de comprendre le genre de film dont il s'agissait; une farce comique, un drame bourgeois, une comédie sentimentale ou encore une violente tempête en mer ou une galopade de chevaux emballés. L'accompagnement musical excitait mon imagination et je m'endormais la tête pleine d'images. La cabine de projection était suspendue au plafond de la salle. C'était une sorte de nacelle en tôle très exiguë où il y avait juste la place pour un projecteur et pour le projectionniste. Celui-ci était un géant roux qui maniait avec dextérité les bobines de pellicule (inflammable), le torse nu à cause de la chaleur qui régnait dans ce minuscule habitacle. J'allais parfois le rejoindre par les toits et je m'asseyais sagement à côté de lui, émerveillé par son adresse et son bon sourire. A la fin de chaque représentation, le pianiste jouait un air connu de tous et chacun fredonnait en quittant la salle : "Au revoir et merci, merci, merci" etc.
Mais il y avait d'autres salles à Ostende et lorsque j'eus six ou sept ans, mes parents, séduits par le Cinématographe, m'emmenèrent voir le fameux film italien Quo Vadis (de Enrico Guazzoni) dans une grande brasserie plongée dans la fumée des pipes et des cigares et où l'on s'attablait devant l'écran en buvant un verre de bière. Au moment de la fameuse course de chars surgirent sur l'écran quatre chevaux blancs qui fonçaient sur les spectateurs. Je hurlai de peur; mes parents durent me ramener à la maison où je fis une grosse fièvre toute la nuit, comme me le raconta ma mère. Ce fut là mon baptême cinématographique. Et c'est tout naturellement que je me pris d'amour vers l'âge de huit ans pour le cinéma, lorsque Saint-Nicolas m'apporta un superbe petit projecteur sur lequel on déroulait à la main des films de 35 mm. Je dois dire que la visite de Saint-Nicolas dans son grand manteau rouge et sa mitre d'évêque accompagné de son valet le visage noirci m'impressionna fortement. Je pense que ce sont ces souvenirs et émotions d'enfance et le souci de mes parents de m'intéresser au cinéma (ils m'offrirent encore une caméra et un projecteur Pathé Baby) qui provoquèrent ma passion des films (il y avait deux salles dans notre rue) et finalement, le coup de foudre du film Moana de Flaherty au Club du Cinéma de Bruxelles, qui m'incita à fonder avec des amis le Club d'Ostende en 1928, qui m'emmenèrent doucement mais sûrement à me lancer dans ce beau métier qui est le nôtre.