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31 HALTES de Dorothée Van Den Berghe et Griet Van Reeth

Publié le 20/03/2015 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

31 HALTES de Dorothée Van Den Berghe, Griet Van ReethUne ligne de métro à Bruxelles . Six personnages s’y croisent sans se rencontrer. Chacun d’entre eux est plongé dans ses propres préoccupations. Et ce côtoiement est celui de la grande ville et de la solitude qui y règne, dans l’anonymat. Le rythme régulier du métro, le caractère mécanique des allées et venues dans l’espace souterrain n’empêchent pas l’exploration de ces destins séparés, esquissés par une caméra qui les frôle sans s’attarder trop sur leurs visages. Elle les suit pourtant par des incursions rapides et répétées dans leurs vies quotidiennes. Il y a cet homme qui travailla comme éclairagiste à la Monnaie. Il élève seul son fils et l’on devine la précarité de son existence. Sa passion pour l’apiculture amène à une réflexion sur la nécessité de vivre en société Les images de la ruche et de son organisation parcourent tout le film. A ses côtés, tout aussi silencieuse, une jeune Rwandaise qui , mère à 19 ans , quitta sa patrie, pour oublier les massacres , et crut trouver une terre d’accueil en Belgique. A son arrivée dans notre pays, elle fut enfermée dans le centre fermé de l’aéroport. Elle avait, dit-elle, quitté un enfer pour un autre. Le visage sombre et fermé d’un homme jeune et taciturne nous amène dans une église où des demandeurs d’asile partagent un repas frugal et prient Allah tandis que les fidèles chrétiens suivent la messe. Une séparation invisible divise l’espace du lieu de culte. Une jeune congolaise est venue étudier la danse en Belgique. Elle éprouve la nostalgie de l’Afrique, de la convivialité qu’elle retrouve dans les bars et les boîtes de nuit de Matongué. Le thème des parents célibataires constitue l’un des fils de ce récit. Une infirmière aux soins palliatifs d’un grand hôpital explique qu’elle endosse ce rôle difficile de mère / père . Elle suit son fils de 19 ans à l’entraînement de la boxe. Elle l’admire parce qu’il la protégera. Elle connaît , par son métier, ces moments où l’approche de la mort font l’objet d’une lucidité intense.

31 HALTES de Dorothée Van Den Berghe, Griet Van ReethTous sont à la recherche d’un équilibre incertain, certains éprouvent la nostalgie d’une communauté perdue . Ils luttent contre un enfermement, une perte de repères, une dépersonnalisation. Ils ne trouvent à respirer librement que dans les espaces ouverts, dans les parcs, ou par la fabrication de cerfs –volants qu’ils lancent vers un ciel vide. C’est par un montage alterné, et fluide , que ces instants de vie s’articulent, et par leur accumulation , confèrent un sens au film : comment conserver son humanité, sans nouer d’autre lien qu’une proximité silencieuse. Il y a de la mélancolie dans ce parcours souterrain, sans drame ni heurts, où le regard glisse de l’un à l’autre, constamment. Et pourtant s’y dessinent , par instants, les lignes d’une communauté possible de cultures, d’espérances, malgré les solitudes et la précarité.

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