De la colonie comme zoo
Que la colonisation du Congo fût une histoire nauséeuse de barbarie civilisée, un régime de terreur qui aujourd'hui encore colle à notre vie comme un chancre malsain dont les miasmes se font toujours sentir, nul aujourd'hui n'a le droit d'en douter. Et pourtant nombreux sont ceux qui préfèrent tourner la page, évacuer les responsabilités de la Belgique dans un oubli volontaire et dépouiller encore et toujours les Congolais de ce passé sanglant où leur identité présente plonge ses racines et trouve le terreau de ses multiples facettes. Le dernier film de Francis Dujardin, Boma - Tervuren, le Voyage, remet les pendules à l'heure et fait un sort à cette pratique de l'amnésie en faisant le lien entre les "premiers jours" de la colonie et l'époque actuelle. Son propos est simple. Il nous raconte l'épopée étonnante et tragique de 267 Congolais amenés à l'Exposition universelle de Bruxelles en 1897, où ils furent exhibés dans des cases et forcés de jouer leur vie quotidienne de "sauvages primitifs" devant plus d'un million de visiteurs. Confrontés à des conditions de voyage difficiles, ne supportant ni le froid d'un climat tempéré, ni la rudesse d'un exil qui en faisait les protagonistes d'un véritable zoo humain, certains d'entre eux tombèrent malades, moururent et finirent dans la fosse commune avec les indigents de l'époque.