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C’est notre pays pour toujours de Marie-Hélène Massin

Publié le 01/07/2002 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Les questions qui se posent dans ce film sont non pas pourquoi migre-t-on, ni comment, ni où mais comment s’intègre-t-on dans une société qui vous renvoie vos origines étrangères ? Doit-on les gommer ou les revendiquer ? Comment faire une force de ce qui a toujours paru comme une faiblesse ? 

Lors des élections communales de 2000, les listes électorales des partis traditionnels se sont remplies de noms à consonance non-européenne. Des visages aux teints ensoleillés ont commencé à côtoyer des noms remontant dans l’histoire de la Belgique sur les vitrines des commerces et des panneaux électoraux.

C’est notre pays pour toujours de Marie-Hélène Massin

Marie-Hélène Massin a rencontré des jeunes candidats de Saint-Gilles, commune bruxelloise, accueillis pour la première fois sur diverses listes pendant leur campagne. Issus du monde associatif, ayant une connaissance pratique du terrain, ils se sont vus propulsés dans l’arène de la démocratie, là où les décisions se prennent et ils comptent faire profiter leur éventuelle position privilégiée pour faire entendre la voix des communautés sociales dont ils sont issus. Tout en n’étant pas dupes d’avoir été choisis pour leur appartenance socio-culturelle, ils espèrent pouvoir dépasser le vote ethnique et être considérés comme citoyens belges à part entière. Et comme dans tous groupes, les clivages politiques et philosophiques apparaissent. Qui dit issus de l'immigration arabe pense à Islam, et la question de la religion vient sur le tapis. Un professeur de religion islamique invité pour raisonner sur la question de la citoyenneté insiste sur l'indépendance des croyants vis-à-vis des structures étatiques, quelles qu'elles soient, mettant les dogmes religieux au-dessus des lois des hommes, provoquant la polémique entre candidats d'origine musulmane. La religion peut-elle s'accorder avec l'organisation politique de la cité ? Question d'autant plus sensible quand elle est l’attribut d'une minorité. 

Et le citoyen lambda? A-t-il son mot à dire? Doit-on entrer en politique pour faire changer la réalité inégalitaire? La notion de démocratie et de cohésion sociale doivent-elles être débattues uniquement dans les enceintes décisionnelles?

Les citoyens issus de l'immigration sont-ils de seconde zone ? N'y a-t-il qu'eux pour réfléchir à la question de l'immigration et de l'intégration autrement que dans des termes sécuritaires? Et n'est-ce que le seul sujet autour duquel ils peuvent se réunir ?

Et puis il y a la nouvelle immigration, celle qui ne concerne plus les deuxièmes ou troisièmes générations mais les nouveaux arrivants, avec ou sans permis de séjour. Qui sera là pour défendre leurs intérêts quand ils n'ont pas le droit de vote ?  

 

C’est notre pays pour toujours suit ces candidats dans leur questionnement démocratique, leur rencontre avec la population dans les réunions publiques et les débats qui échelonnent les semaines précédant la date du vote. Ce faisant, la cinéaste analyse la démocratie parlementaire à son niveau le plus proche du citoyen et réussit un film d'écoute où elle laisse transparaître, par la polyphonie des voix et des avis, souvent complexes et contradictoires, qu'en matière socio-politique la parole permet de faire avancer la pratique. La survie de la démocratie passe inévitablement par sa remise en question. Autour d'un thé à la menthe ? 

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