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Cells de Wil Mathijs

Publié le 01/12/2014 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

Au sortir d'un générique digne d'une fiction d'épouvante, le film s'ouvre sur un homme d'une cinquantaine d'années, tout de noir vêtu. Il s'appuie sur sa canne en claudiquant et traverse une forêt au vert profond. Un cadavre de rapace arrête son pas. Il le ramasse, le fourre dans un sac en plastique, puis continue son chemin. Les divers plans de caméra dont une vertigineuse plongée du haut d'un arbre ne laisse aucun doute quant à la mise en scène de la situation, le ton est donné : Martin uit den Bogaard est un personnage et ce documentaire, son aventure.

 

Cells de Wil Mathijs

Ayant troqué son noir manteau pour une blouse blanche, on le retrouve peu après dans ce qui semble être son laboratoire. Là, il enfonce des électrodes dans les orifices de son compagnon à plumes. Telle est l’œuvre de Martin. À la manière d'un docteur Frankenstein des vernissages, il scrute la mort pour y trouver la vie. Armé d'un voltmètre, il capte les infimes émissions électriques résultant de la décomposition des corps dont il ralentit la décrépitude en les sanctuarisant dans des vitrines de verre. Ces fantômes électriques, il les traduit, à l'aide d'un ordinateur, en sons et en images qui fluctuent au rythme de l'après vie du corps fait œuvre. Martin a le sens de la mise en scène. L'air de ne pas y toucher avec son style de poète maudit et son humour pince sans rire, il nous entraîne dans sa propre quête d'immortalité. Pour devenir, à la fin de sa propre vie, son ultime œuvre, il balade sa désinvolture et le spectateur au gré des institutions, questionnant des fonctionnaires bien en mal de légiférer sur l'usage du cadavre en devenir.

À cette quête première s'adjoignent des personnages secondaires et tout aussi charismatiques. L'artiste peintre Phil Bloom dont les toiles infernales accueillent corps décharnés et personnages de Disney copulant, de conserve, dans une ambiance de fin du monde. Son ami Aldert Mantje surtout, peintre également, qui sacrifie son doigt handicapé au travail de Martin, marquant, par là même, un nouveau pas dans le concept d'amitié charnelle. À deux, ils partagent, outre une vision singulière de leur pratique artistique, une tendresse pour l'ivresse qui teinte leurs discussions d'humeurs potaches et philosophiques.

Cells joue admirablement avec les genres. Ainsi, l'esthétique horrifique qui introduit le film au travers des codes familiers de la fiction, crée une atmosphère délétère et fascinante qui sera entretenue tout au long du métrage par des séries en fondus enchaînés de très gros plans de corps en décomposition portés par de sombres nappes sonores. Puis, le fil glisse vers quelque chose de plus complexe où le film d'art côtoie le documentaire sociétal, questionnant notre rapport à la mort au travers de nouveaux spectres qui se superposent créant une image riche et complexe.

L'ensemble joue habilement de notre peur occidentale de la mort et de sa représentation tout en nous invitant à la regarder de l’œil riant et serein de celui pour qui elle n'est pas une fin.

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