Réunir dans un court-métrage Laurent Capelluto (Rien à déclarer, Où va la nuit…), Sophie Quinton (Miss Montigny, Poupoupidou…) et Mourade Zeguendi (Les Barons), telle a été la petite prouesse du réalisateur Manu Coeman, lauréat cette année du Magritte du Meilleur documentaire pour LoveMEATtender.
Chaud Bizness !
C’est en tendant une oreille chez son …coiffeur que Manu Coeman a vu germer l’idée de ce qui constitue son retour en fiction, quatorze ans après Ketchup, un autre court métrage qui fut multi-primé à l’époque, notamment au FIFF. "En fait, précise le réalisateur, j’étais en pleine écriture de Half & Half, mon prochain film. J’entends alors quelqu’un expliquer que, dans des pavillons en France, il y a des personnes qui reçoivent des visites de gangs ou de trafiquants leur demandant simplement d’avoir un mètre cube de libre dans leur cave, pour y cultiver de la drogue. Le deal ? Les gens ont la garantie de gagner 2000 euros par mois, mais s’ils se font pincer, ils doivent tout prendre sur eux !"
Volubile et perpétuellement imaginatif, cet ancien assistant d’Elie Chouraqui et de Gérard Pirès a réussi à greffer une deuxième (bonne) idée dans son film de 14 minutes. "Je connais quelqu’un qui s’est fait volé la moto neuve qu’il venait d’acheter chez un concessionnaire. Peu de temps après, les voleurs, qui l’avaient probablement suivi, l’appellent pour négocier le rachat de sa moto ! J’ai décidé d’utiliser cette histoire dans Bizness, mais en remplaçant la moto par un vélo. Un beau vélo, évidemment."
Voilà donc, d’où démarre la trame de Bizness, tourné non pas en France, mais dans une petite maison de Woluwé Saint-Lambert. Le pitch ? Tom (Laurent Capelluto), après avoir décroché un nouveau job, emménage avec sa famille dans une nouvelle ville. Alors qu'il part travailler un matin, il constate avec stupeur que son précieux vélo a été dérobé. Quand soudain, trois types sonnent à leur porte. La suite ? On peut (un peu) la deviner…
Les clés d’un bon casting
Au fait, quelle est la clé pour convaincre un tel casting après une aussi longue absence en fiction ? "Mon producteur, André Logie, m’a beaucoup aidé. C’est assez incroyable, car j’ai choisi de réunir le couple formé par Laurent Capelluto et Sophie Quinton sans même savoir que mon collègue Miel Van Hoogenbemt en avait fait autant pour son dernier long, Fils Unique. Ce sont eux, surpris par cette coïncidence, qui me l’ont appris ! Au moins, j’étais sûr que je ne m’étais pas trompé quant à leur complicité! (rire)"
Les courts métrages, Sophie Quinton connaît. En 2003, Peau de Vache, de Gérald Hustache-Mathieu (qui l’a plus tard dirigé dans Avril et dans Poupoupidou) dans lequel elle tenait le rôle principal, fut récompensé d’un César. "J’aime le court métrage, ajoute l’actrice, car il est pour moi une forme de cinéma qui permet paradoxalement beaucoup plus de choses que dans un long. Puis, comme c’est plus léger financièrement, ça permet de faire moins de concessions que dans un long." Ce qui l’a séduit dans cette histoire ? "Au départ, l’enjeu du vol d’un vélo a l’air assez simple. Mais finalement, on se rend compte qu’il y a énormément de choses autour du vélo. Puis, il y a une tension assez importante dans ce film. Et malgré l’histoire qui n’a pas l’air forcément joyeuse, c’est bien une comédie. Noire, mais une comédie !"
Le reste du casting s’est concocté à travers des rencontres, hasardeuses ou non. "Alors que je me rendais à Amsterdam, je suis tombé côte à côte dans le Thalys avec Mourade Zeguendi et Zouzou Ben Chikha, qui partaient jouer Guantanamouk de Nabil Ben Yadir (Les Barons). Ils m’ont invité à voir la pièce, j’ai aimé et je les ai invités à mon casting. Ils m’ont tout de suite convaincu. Quant à Gérald Wauthia, je l’ai trouvé tellement énorme dans une pub pour la « Ligue Braille » que je l’ai directement contacté." Et preuve d’une certaine fidélité de sa part, l’équipe technique de Bizness, est presque la même que celle de LoveMEATender.
Pub
À seulement 44 ans, le réalisateur courtraisien peut se targuer d’avoir signé plus de 300 publicités. "La fiction m’a beaucoup manqué, mais la pub m’a beaucoup appris. Si je compte peut-être diminuer la pub, je n’envisage pas pour autant de l’arrêter. Pour moi, même si elle constitue une case à part, encore dénigrée, elle reste une bonne manière de travailler de manière concentrée grâce à des moyens techniques souvent plus simples."
Bien connu pour son perfectionnisme à outrance dans le monde de la pub, Manu Coeman semble fonctionner de la même façon pour la fiction. "Je peux en effet le confirmer, sourit son producteur. Par exemple, nous filmons ce court avec deux caméras, ce qui est plutôt rare !"
Réaction de Manu (un peu gêné) : "Comme je suis exigeant avec moi-même, j’essaie de demander la même chose à ceux qui bossent avec moi. Bon, j’avoue que parfois c’est un peu embêtant (sourire)."
Un court, en attendant le long. Et un autre docu
Pub, fiction, documentaire : notre équilibriste fourmille de projets. "Savoir que LoveMEATender, outre une presse élogieuse et son Magritte, va être distribué dans les écoles accompagné d’un dossier pédagogique est le plus beau des aboutissements, car les jeunes sont à la base de tout. Avec Yvan Beck (co-auteur de LoveMEATender), on envisage de tourner un autre docu sur le bonheur. C’est assez ambitieux j’avoue, car c’est une sorte de nouveau tour du monde qui voudrait donner les clés sur la bonne manière de vivre et de bien consommer sur la planète. Mais en même temps, j’ai un projet de long-métrage (Half & Half). Etant originaire d’une région proche des deux communautés que je connais par cœur, je pense avoir un regard bien placé pour traiter cette problématique."
Bizness est donc produit par André Logie (Panache Productions), mais aussi Gaëtan David (La Cie Cinématographique). Tous les deux sont – entre autres – les producteurs de plusieurs films attendus prochainement, comme Populaire de Régis Roinsard et Le sac de Farine de Kadija Leclerce. Les Français de Tchi Tchin Production sont également de la partie. En attendant, Bizness, déjà monté, s’apprête à voyager de festival en festival.