Voyage sur la planète Ouf !
On l'aime ou pas, il amuse ou il énerve, mais il est devenu difficile d’ignorer Jean-Jacques Rousseau dans le cinéma belge francophone. Si certains se permettent encore d'en parler avec condescendance, plus personne aujourd'hui ne songe à nier son travail atypique. Le documentaire de Frédéric Sojcher Cinéastes à tout prix a fait beaucoup pour contribuer à cette reconnaissance, mais cela fait maintenant plus de quarante ans que Jean-Jacques va son petit bonhomme de chemin sans rien demander ni devoir à personne, ou presque. Dans une jolie citation, extraite du livre que lui consacre Frédéric Sojcher aux éditions Archimbeau/Klimsleck (Jean Jacques Rousseau, cinéaste de l'absurde) le citoyen de Souvret définit justement sa place dans le cinéma belge: "Dans une forêt, est-ce que tous les arbres sont droits ? Pour qu’on voie que tout est droit, il faut qu’il y ait des arbres inclinés. Moi, je suis l’arbre incliné dans une forêt d’arbres droits".
Le Festival du cinéma fantastique de Bruxelles organisait l'avant-première mondiale de son plus récent long-métrage Karminski Grad. L’occasion était idéale d’inviter Jean-Jacques Rousseau à s’exprimer. Nous avons donc provoqué l'occasion d’une rencontre avec le cinéaste, sa fille Frédérique, comédienne et compositrice de la musique, et son acteur fétiche, l'ami Noël Godin.
Et on est bien contents de l'avoir fait mais… quelle aventure, jambon à cornes ! Malheur à l'interviewer psychorigide qui tenterait à tout prix d'imposer un cadre à ces trois loustics. À la moindre question, la réponse fuse… souvent à côté dans un joyeux charivari au fil de digressions variées. Essayez de remettre le train sur les rails et il ne faut pas trente secondes pour qu'il soit reparti folâtrer dans les chemins creux qui, à en croire la chanteuse Mireille, sentent la noisette.
On a laissé faire. On sait que c'est comme cela que les propos vraiment intéressants surviennent. Mais, pour les publier, nous avons dû quelque peu les réorganiser par thèmes. Nos invités nous pardonneront car nous avons pris un soin maniaque à ne rien déformer. Ils parlent du film, mais aussi beaucoup de Jean-Jacques Rousseau : son univers ses méthodes, son cinéma… Un voyage dans le monde complètement décalé du cinéaste masqué vous tente ? Vous êtes prêts à risquer votre santé mentale? Alors en voiture Simone !