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Parle d'Anne Closset

Publié le 01/01/2003 / Catégorie: Critique
Parle d'Anne Closset

Parle nous convie dans les coulisses d'une pièce de théâtre en pleine préparation, "Chronique d'un discours schizophrène", mise ne scène par Fadhel Jaïbi au Théâtre de la Ville de Tunis il y a plus d'un an. Loin d'être un moyen-métrage sous forme de théâtre filmé, Parle  tente de montrer le processus de maturation du texte et des acteurs qui s'en emparent, corps et âme.

 

En filmant des comédiens qui s'investissent, jusqu'à la violence, dans des rôles taillés à vif dans leur chair et dans la langue, Anne Closset nous prouve que le théâtre n'est pas une affaire de texte appris par coeur, mais un combat contre soi-même, à tenter de se dépasser, d'aller au-delà de ses limites et de ses retranchements. À voir ces acteurs se déchaîner sur scène, agressés dans leur confort par un metteur en scène exigeant, Parle nous secoue les sens. La caméra, discrète et pourtant omniprésente, fouille la scène de fond en comble, suit les acteurs dans leurs cabrioles, leurs colères, leur incompréhension. Parfois, elle capte une danse, au ralenti, décomposant la gestualité théâtrale pour en extirper l'essence-même. Dans ces moments-là, jamais septième et quatrième arts n'ont été si proches, tendant tous les deux à exprimer une vérité, celle du corps, du mouvement, bref celle de l'âme. Quant au mot, rarement aura-t-il été si dévastateur : "Animal, végétal, minéral, tu serais dans la parole... Alors parle, souffre et meurs dans la parole", déclame la conteuse de la pièce (celle-là même qui met le cadre en place, et nous raconte, un peu, l'histoire) : "La voix : âme faite chair", disait Bresson. D'âme, ce film n'en manque donc pas. Autant dire qu'il laisse sans voix.

 

Grégory Escouflaire

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