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Pas son genre de Lucas Belvaux

Publié le 15/12/2014 par Nastasja Caneve / Catégorie: Sortie DVD

Je t'aime moi non plus

Soirée entre filles. Au programme : vin rouge, Céline Dion (depuis Mommy, on peut l'écouter sans scrupule) et Pas son genre, une comédie romantique de Lucas Belvaux, directement adaptée du roman éponyme de Philippe Vilain, avec Émilie Dequenne et Loïc Corbery, un charmant jeune homme, faut-il le dire... C'est que nous aussi on aimerait bien qu'il nous aborde au coin d'une rue pour nous parler philosophie avec ses yeux pétillants. Une histoire d'amour, donc. Mais pas que…, et c'est ici que cela devient intéressant...

Pas son genre de Lucas BelvauxD'un côté, il y a Jennifer, jeune mère célibataire et coiffeuse, qui vit dans une petite HLM à Arras. De l'autre, il y a Clément, professeur de philosophie parisien, fraîchement arrivé en province. D'un côté, les mini-jupes, les paillettes, le vernis à ongles, de l'autre, les chemises sans faux plis, pas un cheveu de travers, le petit veston propret. Anna Gavalda et Jennifer Anniston versus Dostoïevski et Kant.

Il y a d'abord la rencontre et là, on se dit : "oh, mignon..." (avec une pointe de jalousie qui ronge). Et c'est vrai, c'est frais et doux. Jeu du chat et de la souris. Craquera ? Craquera pas ? Délicates attentions, ébats passionnés, regards amoureux. Ils font rêver. Mais, c'est trop beau pour être vrai. Le doute s'immisce, les regards fuient, la réalité prend le dessus.

Pas son genre, c'est d'abord une subtile adaptation. Alors que Philippe Vilain avait opté pour un seul point de vue narratif, celui du personnage masculin, Lucas Belvaux donne également la parole à la femme en doublant le point de vue. Plus d'objectivité, plus de contenance pour ce personnage féminin voluptueux incarné par une Émilie Dequenne étincelante. Un personnage sensible, plein de rêves, en proie aux désillusions. Une Emma courageuse en somme. Pas de "il est trop bien pour moi" ici. Elle n'y pense même pas, elle a confiance en elle, ne se pose pas de questions, fonce, aime, donne jusqu'à ce que... Lui, par contre, est plus dubitatif. Gêné, mal à l'aise, lassé, il ne trouve pas sa place.

Lucas Belvaux met en scène une véritable lutte des classes, déjà esquissée dans ses films précédents (La Raison du plus faible, 2006, et Rapt en 2009). Ne pas se voiler la face, ne pas croire que le pathétiquement bestial sortira victorieux. Jadis, il était question de dot, de bonne famille, de patrimoine. Les choses sont-elles fondamentalement différentes aujourd'hui ? Lucas Belvaux semble opter pour le ''qui se ressemble, s'assemble" sans émettre de jugement. Il constate seulement que les goûts et les couleurs ne se discutent finalement que très peu.

Une comédie romantique qui sort des sentiers battus où tout n'est pas bien qui finit bien. Les bonus présents sur le DVD nous éclairent sur le travail d'Émilie Dequenne, sur le travail d'adaptation, sur la position de Lucas Belvaux au sein du couple Jennifer-Clément. Deux personnages, assez caricaturaux, qui favorisent l'identification et l'introspection. Zola nous l'avait déjà dit : on n'échappe pas à sa condition. 

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