Journaliste, réalisatrice, Hadja Lahbib est plus connue comme étant la présentatrice du journal télévisé de la RTBF et de deux émissions culturelles sur Arte-Belgique. Envoyée spéciale aux quatre coins du monde et spécialiste de l'Afghanistan et du Moyen-Orient, elle s'est lancée depuis quelques années dans la réalisation de documentaires (Afghanistan. Le choix des femmes en 2007 et Le cou et la tête en 2008). Dans Patience, patience. T'iras au paradis, son troisième documentaire, Hadja Lahbib s'intéresse au destin d'un groupe de femmes marocaines, issues de la première génération d'immigration en Belgique.
Patience, Patience... T'iras au paradis de Hadja Lahbib
"Patience, patience. T'iras au paradis!", refrain répété inlassablement à ces femmes, celles qui n'ont jamais eu le choix, celles qui ont dû suivre leur mari, celles qui ont dû apprivoiser l'inconnu, l'ailleurs, le vide. Refrain-promesse qu'elles se répètent pour survivre dans ce monde qui ne leur ressemble pas, cette terre inconnue où elles n'ont jamais trouvé leur place.
Cette phrase, Warda, mère de famille, et Mina, veuve de 62 ans, l'ont entendue maintes et maintes fois. Lors d'un séjour à Casablanca, Mina assiste pour la première fois de sa vie à un spectacle, celui de Tata Milouda, une immigrée marocaine, artiste de 60 ans, qui chante, slame, danse sa vie. Cette rencontre avec cette femme, libérée, libre, affranchie, sera déterminante pour Mina qui décide alors de vivre. Pour de vrai. Dès son retour en Belgique, Mina s'inscrit, avec une bande de copines, à "Dar el Amal", la maison de l'espoir. Première étape de cette vie rêvée d'insouciance et de liberté pour ces femmes qui n'ont désormais plus peur de rien.
Les femmes présentes dans le documentaire sont tout simplement exquises. Il y a, entre autres, Hamida la rigolote, Naziha la pragmatique, Tleimes la sage, Rahma l'intello. Chacune portant le poids du passé, toutes ces années enfermées, soumises, hors du monde. La solidarité et cette douce folie qui les berce vont les emmener de l'autre côté de la planète, elles qui n'avaient jamais quitté Molenbeek. Une bande d'ados, un peu délurées, qui gloussent en parlant des hommes, qui chambardent avant d'aller dormir, qui sont confrontées à la réalité et qui s'émerveillent.
Certaines scènes, à la fois drôles et touchantes, sont pleines d'espoir. Quand on voit ces petites bonnes femmes partir en road trip jusqu'à Saint-Hubert dans leur van, jusqu'à la mer pour manger un bout avec Arno, jusqu'à New York pour se faire prendre en photo sur Times Square armées de leurs Nike et de leurs sacs à dos, on se dit que "À cœur vaillant, rien d'impossible".
Un documentaire plein d'espoir, d'humour, de tendresse, qui ne manque pas de mettre en avant les outils mis à la disposition de ces femmes pour leur épanouissement, comme cette maison de l'espoir, Dar el Amal. Cet endroit où elles peuvent se retrouver, entre copines, pour apprendre à lire et à écrire, à "skyper", pour apprendre l'anglais, pour s'amuser et faire abstraction de leur réalité.
Hadja Lahbib s'inscrit donc dans ce courant de documentaires réalisés par des femmes, qui parlent de la femme violentée, immigrée, soumise. Sans jugement de valeur, elle parvient à leur octroyer tout l'espace de liberté nécessaire, ses protagonistes évoluent sans gêne, sans pudeur. Distance raisonnable et respectable qui permet à ces jeunes filles de 60 ans de vivre la vie qu'elles n'ont jamais vécue.