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Place Belgique de Foued Bellali

Publié le 12/01/2007 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

2bouts est une asbl visant à promouvoir l’enrichissement culturel par un travail d’éducation à la diversité culturelle. L’association vise à une évolution des représentations et stéréotypes, un changement des mentalités par une altérité, l’acquisition d’un respect à l’égard de cultures autres que les siennes. Il s’agit d’encourager directement et indirectement le dialogue, la solidarité entre les groupes et les individus d’origines socioculturelles diverses, dans les discours et dans les actes.
La volonté affichée est de travailler à partir du savoir des personnes elles-mêmes, de leurs vécus, leurs expériences. Ainsi Place Belgique et Rue du Nord, les deux films, sous forme de recueil de témoignages, signés Fouad Bellali ont été produits.

Peut-on se définir comme belge tout en gardant ses racines ?

Place Belgique de Foued Bellali

Avec Place Belgique, l’auteur nous berce dans la vague de la double appartenance. Ni d’ici ni d’ailleurs, d’un peu des deux à la fois, les enfants d’immigrés se composent une identité qui leur est propre. Pour nous rendre compte de la richesse et de la complexité de ce tiraillement entre deux cultures, l’auteur traite de ce qu’il connaît le mieux : la « belgo-marocainitude ». Il chemine avec eux les étapes de leur socialisation en Belgique et au Maroc. De Bruxelles à Casablanca en passant par la Louvière, il tresse des témoignages, recompose un dialogue entre ces deux pays auxquels les belgo-marocains n’appartiennent jamais totalement. Une vision croisée qui nous aide à mieux cerner cette problématique pas toujours aisément palpable de l’extérieur. Sept jeunes belges d’origine marocaine témoignent donc, avec beaucoup d’humour, de leur situation en Belgique devant la caméra de Foued Bellali. La réussite du film, composé uniquement de témoignages face-caméra et d’images en split-screen mettant en parallèle les paysages ruraux du désert marocain avec divers quartiers bruxellois, tient surtout dans son humour et le refus du misérabilisme appuyé de ces sept témoins nous racontant leurs joies, frustrations, malheurs et expériences.
Ce qui revient dans chaque témoignage, c’est qu’ils se sentent étrangers aussi bien en Belgique qu’au Maroc. On pourrait croire que le racisme est présent uniquement en Belgique, mais il est également bien ancré au Maroc. Les vieux marocains, ayant dans le passé travaillé en Belgique, en ont honte, ils ne le mentionnent plus. Comment se sentir à l’aise lorsque des marocains nés en Belgique sont considérés comme des étrangers dans leur pays natal et comme des vacanciers dans le pays où sont nés leurs parents ? Il s’agit pour eux d’une situation particulièrement hypocrite et frustrante. Comme le dit l’un d’entre eux, « nous sommes difficilement classables à cause de notre touche exotique ». Une touche exotique qui contraste très fort dans un monde où tout doit rentrer dans des cases !
Comme s’en indigne une des jeunes interviewées, « allochtone » est un mot qui désigne « une espèce importée récemment ». « Je ne suis donc pas une allochtone puisque je vis en Belgique depuis ma naissance ! »… Quant à la fameuse « discrimination positive », il s’agit d’une grossière contradiction dans les termes ! Comment en effet la discrimination peut-elle être positive ? Pour l’un d’entre eux, choisir entre le Maroc et la Belgique reviendrait à choisir entre son père et sa mère. C’est un choix qu’ils ne devraient pas avoir à faire !
Le documentaire nous montre bien que les préjugés sont présents des deux côtés. Si au Maroc, l’évolution des mentalités et de la liberté d’expression se fait avec une lenteur extrême, si au niveau de l’éducation les garçons sont toujours plus avantagés que les filles, la situation en Belgique n’est sans doute pas beaucoup plus reluisante pour autant.
On voit bien le manque de respect dont sont victimes les belges marocains, surtout dans l’administration et dans le monde du travail gangrené par le racisme et par une méfiance mutuelle dont on ne s’est jamais débarrassé et que les événements du 11 septembre 2001 n’ont fait qu’accentuer par un rejet quasi systématique de toute personne au teint bronzé.

Montrant l’influence d’un pays sur l’autre, les préjugés comme les points positifs, le documentaire de Foued Bellali témoigne aussi du courage incroyable qu’il faut à un jeune marocain pour partir, tout abandonner pour s’en aller vers un pays dont on ne connaît ni la langue, ni la culture, là où on n’a ni parents, ni amis. Foued Bellali montre à ces gens toute son admiration. Nous vivons dans une société où les problèmes d’immigration, d’intégration et des racines sont encore trop souvent révélateurs de la lenteur des mentalités. Une société où l’idée que l’on se fait d’« un belge » ou d’« un marocain » est encore extrêmement figée, comme si un être humain se résumait à sa seule nationalité ou à sa couleur de peau. Quoi qu’il en soit, pour conclure, il convient de rappeler à tout le monde, comme dit l’un des interviewés, qu'« après tout, nous n’avons pas à nous excuser de quoi que ce soit »…
À bon entendeur ?...

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