Cinergie.be

Rencontre avec Eric Frère, responsable de la cellule Culture Enseignement

Publié le 10/02/2015 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Cartables et palettes d'artistes 

L'administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles a une flèche efficace à son arc appelée éducation à la culture. Une cellule qui dépendait directement du Secrétariat général avait été créée, en son temps, par Henri Ingberg, alors Secrétaire Général, pour rassembler les différents services qui s'occupaient de culture ou de pratiques artistiques à l'intention des élèves des écoles de l'enseignement obligatoire. C'est ainsi qu'est née la Cellule Culture-Enseignement. Rencontre avec Eric Frère, responsable. 

Cinergie a rencontré Eric Frère, responsable de la cellule Culture Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, afin de faire le point sur les actions culturelles menées au sein des écoles.


C. : Quelles sont les missions de la cellule culture-enseignement ?

Eric Frère : La Cellule a pour mission essentielle de s'adresser aux enseignants ou d'être l'interface entre eux et les opérateurs culturels, afin que des artistes puissent se rendre dans les écoles et faire participer les élèves à un projet artistique. Le but, globalement, n'est pas spécifiquement que quelque chose soit réalisé, l'essentiel est de donner aux enfants l'occasion de participer à la création d'un projet artistique, en symbiose avec les enseignants et un opérateur culturel. 

C. : Quels sont les outils dont vous disposez pour atteindre les enseignants ?
E. F. : 
Annuellement, un appel à candidature est lancé pour réaliser un projet qui est déposé auprès d'une commission de sélection et d'évaluation qui statuera sur la recevabilité de la démarche. Le 15 janvier, une circulaire à la signature de la Ministre est envoyée dans toutes les écoles de l'enseignement obligatoire, toutes sont donc informées. On espère ensuite une réponse de la direction ou d'un enseignant en mesure de prendre le relais. Dans le même temps, cette circulaire est mise en ligne sur les sites des autres partenaires institutionnels qui auront pour but de toucher les opérateurs. 

C. : Le but est-il de permettre aux jeunes de s'exprimer à travers une démarche artistique ou de nourrir leurs connaissances dans les différents domaines ?
E. F. : Le but est d'organiser la rencontre entre un artiste et un enseignant avec la volonté que quelque chose émerge de cet échange, et que les élèves puissent être entraînés dans ce tourbillon artistique. Je préfère toujours quand le projet aboutit à quelque chose de concret, comme un concert ou un spectacle, mais la concrétisation n'est pas pour autant la phase ultime. La démarche autour du projet est tout aussi intéressante pour le développement de quelqu'un. Je pense que pour la construction d'un enfant, c'est très important. Un garçon attiré par la photographie deviendra peut-être professionnel ou restera amateur. Mais quoiqu’il arrive, il aura été touché.

Eric Frère, Responsable de  la cellule culture-enseignementC. : Comment les projets sont-ils choisis ?
E. F. : 
Dans un premier temps, l'administration met sur pied la commission de sélection et d’évaluation, regroupant une vingtaine de personnes issues du monde de l'enseignement et de la culture. De nombreux domaines artistiques sont représentés, de manière à former un panel qui soit le plus objectif possible. La commission reçoit les différents projets, les étudie, et peut en financer près de la moitié, soit environ 200. Aux alentour du 1er septembre, la nouvelle est annoncée dans les différentes écoles et elles peuvent alors établir l'agenda du projet. J'ai notamment assisté à un spectacle où de tout petits découvraient les formes géométriques à travers la danse. Il y a donc une interpénétration entre la pratique culturelle et le scolaire. J'ai aussi vu des enfants de Molenbeek chanter des airs d'opéra. La cellule permet des rencontres improbables entre des univers très différents qui n'auraient peut-être pas pu se croiser autrement. Parfois, ce n'est pas une classe, mais toute une école qui s'active autour d’un projet. Certains cours sont mêmes articulés autour du projet, il devient le centre des activités à l'école, le ciment reliant les différentes banches scolaires. La cellule s'occupe des enseignants et des élèves, de la maternelle jusqu’à la fin des secondaires, entre trois et dix-huit ans.

C. : Comment intervenez-vous dans le cinéma et l'audiovisuel ?
E. F. : Nous proposons les services de différents artistes à disposition d'une école. Une fois la démarche lancée, l'enseignant suit un programme, un agenda qu'on lui a soumis, reprenant les différents délais à respecter pour mener le projet à bien. Pour exemple, le projet Caméra etc à Liège. Dans ce cadre, un artiste vient une fois par semaine en classe, discute avec les enfants et ensemble ils évoquent des idées de scénarios, avant d'entamer le travail d'écriture, de dessin (story board), de conception de décors, de doublage, de projection etc. On fait vraiment appel aux différentes qualités des enfants, chacun apporte sa pierre à l'édifice, selon ses principaux atouts. On ne peut qu'être ému face au plaisir des enfants. À travers ces projets, on montre l'importance que l'école peut avoir. Nous avons aussi toute une série de projets « clé sur porte », c'est-à-dire que des écoles peuvent s'inscrire à différentes activités comme le Prix des lycéens de littérature, celui du cinéma, ou encore aux opérations Journaliste en herbeLis nous une histoireSur les planches, etc.

C. : Le prix des lycéens du cinéma existe depuis déjà plusieurs années et la demande ne cesse d'augmenter. L'implication des enseignants semble aussi avoir évolué.
Eric Frère, Responsable de  la cellule culture-enseignementE. F. : Tout à fait. Dans la mesure du possible, on demande aux enseignants de voir un maximum de films dans de bonnes conditions, propices à recevoir, comme il se doit, une œuvre cinématographique. Il y a cinq films à voir dans la sélection, l'enseignant ne pourra certainement pas sortir autant de fois pour rejoindre un cinéma, qui n'est peut-être même pas à proximité. Pour remédier à ce problème, on s'arrange avec les programmateurs des cinémas d'Art et d'Essai et des centres culturels pour qu'ils diffusent ces films pour permettre aux élèves de s'y rendre seuls ou en groupe scolaire. Une fois la sélection des cinq films établie, les différents enseignants (inscrits au prix) rencontrent un cinéphile averti, avec pour but de dégager certains aspects des films. On essaie de guider les enseignants. Ils peuvent aussi créer des liens entre leurs cours et le cinéma, la manière de filmer ou les différentes thématiques abordées dans les films. Dans le cadre de cette démarche, on tente aussi d'organiser des rencontres avec un réalisateur, un acteur, ou même un preneur de son, un cadreur, etc. d'un des films. Soudain, le film prend une autre dimension pour l'élève. En règle générale, cette activité est proposée une année sur deux, en alternance avec la littérature.

C. : Idéalement, quelles seraient les améliorations à apporter dans le domaine de l'audiovisuel, comment pourrait-il être plus efficace encore ?
E. F. : 
Pour moi, le cinéma est sur le même pied que les autres disciplines. L'idéal n'est pas forcément de développer quelque chose de plus, ou de démultiplier le budget. Mon rêve serait de décloisonner un peu l'école, qui d'après moi, est encore trop fermée au monde extérieur. Les artistes, dont l'âme même est de bousculer les choses, ont parfois du mal dans la cloison de l'école. Il faudrait que l'école laisse un peu plus de place pour que l'art puisse s'y glisser. Les jeunes doivent être en contact avec l'art, c'est essentiel pour développer leur sens. En secondaire, l'enfant change, il commence à avoir des envies, et il doit être capable de les exprimer.

Tout à propos de: