Nul ne témoigne pour le témoin (Paul Celan)
L’expérience des camps de concentration ne peut être racontée. Le silence et l’incrédulité qui accueillirent les rescapés à leur retour leur firent décider, souvent, de se taire ou les conduisirent au suicide.
Le récit d’Angelo, filmé par Giovanni Cioni, peu avant sa mort, nous livre la parole du dernier témoin. Ce soldat de l’armée italienne de Mussolini n’était ni juif ni communiste. Et sa déportation, parmi des milliers d’autres, après que fut signée l’armistice avec les Américains, apparaît comme un mauvais tour de l’histoire. À l’heure où chacun rêvait de rentrer à la maison, il fut envoyé à Auschwitz, puis à Mauthausen. Le cinéaste restitue les moments cruciaux de ce voyage. Il est le compagnon et le témoin de Silvano. Celui-ci le lui a expressément demandé. Il souhaite comprendre et nous faire comprendre ce que signifie être un survivant. Son film ne recourt à aucune image d’archives, à aucune analyse ni commentaire. Il nous invite à croire sur parole, à nous pénétrer de ces mots atrocement nus, dont la répétition nous glace : les cadavres des chambres à gaz, des crématoires, les supplices et la faim. Le film n’est pas une leçon d’histoire, mais l’échange aigu entre deux regards à la fin d’une vie abîmée. C’est ce qui nous bouleverse.