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Serge Meurant, Filmer à tout prix , édition 2006

Publié le 08/10/2006 par Philippe Simon / Catégorie: Entrevue

Interview de Serge Meurant à propos de l’édition 2006 de Filmer à tout prix.

Serge Meurant, Filmer à tout prix , édition 2006

Pour établir la programmation de cette édition 2006 de Filmer à tout prix, nous avons vu près de mille films belges et étrangers. Ce qui m’a frappé tient dans cet effet de résonance que des cinéastes et leurs films entretiennent entre eux. Des liens souterrains se tissent entre des œuvres, des liens qui appellent d’autres œuvres, d’autres rencontres. Il y a là un sentiment de découverte dont nous ne nous lassons pas, de curiosité, qui me semble exprimer au mieux la continuité entre les différentes éditions de notre festival. Depuis toujours, nous éprouvons la curiosité de découvrir, tant en Belgique qu’à l’étranger, des œuvres singulières et fortes qui manifestent une exigence de regard, cette conviction qu’en accompagnant quelqu’un du regard, se crée de la réalité, une autre réalité où une place importante est ménagée pour le spectateur.Forts de cette expérience, nous avons exploré le champ de la création documentaire belge francophone et flamande en reprenant non seulement les films aidés par la Commission de sélection des films ou par les Ateliers d’accueil et de production, mais aussi les films autoproduits, ceux réalisés dans le cadre des écoles de cinéma. Ces deux dernières années ont été exceptionnellement riches en ce qui concerne la création documentaire en Communauté francophone. Notre compétition belge est donc particulièrement forte. Elle manifeste une large variété d’approches et d‘écritures avec des films très personnels qui, dans leurs diversités, illustrent l’une des thématiques de cette édition : l’exploration des limites. Car à voir ces films, à partager leur façon d’être à l’écoute du monde, nous avons ressenti une polarisation des extrêmes entre des choses qui relèvent toutes de ce que j’appelle, "le monde abîmé". Nous vivons aujourd’hui dans un monde détruit dont nous devons nous accommoder. Que ce soit en nous-mêmes ou dans les charniers du Rwanda, une acuité du regard s’impose qui exclut toute tiédeur. Cette tension vers les limites, cette intensification des extrêmes, se retrouve également dans la compétition internationale. Il s’agit de films inédits en Belgique. Les uns sont tournés vers le monde, d’autres sont comme l’élaboration d’un monde particulier. On retrouve ici une autre idée qui traverse toute notre programmation, à savoir la notion de rencontre entre des mondes différents.
Rencontrer quelqu’un qui possède des clés qui ouvrent sur d’autres espaces, d’autres temporalités et pouvoir l’inviter à partager ses expériences, créer la rencontre, est aussi l’une des possibilités offerte par un festival comme Filmer à Tout Prix. C’est ainsi que nous avons invité Jean-Marie Barbe des Etats généraux du documentaire à Lussas, en France, à venir parler de ce qu’il appelle l’enchantement du documentaire.
Les événements de cette 12e édition sont trop nombreux pour les citer tous.
Il y aura, notamment, une classe de cinéma consacrée à l’œuvre de Stan Neumann, des parcours d’auteurs, avec, entre autres, le cinéaste Pierre Creton, le retour du Polygone étoilé avec de nouveau films, une rétrospective des films de l’école de cinéma de Lodz en Pologne et la présence d’Ateliers belges et étrangers avec l’échange d’expériences aussi différentes que celles du Centre Vidéo de Bruxelles; de Sint Lucas, du travail de Michel Khleifi et Marilyn Watelet avec de jeunes cinéastes palestiniens en Jordanie ou celui du Média Centre de Dakar.
En complément, en collaboration avec la SCAM Belgique, aura lieu un séminaire interrogeant les rapports entre le cinéma et l’extrême droite. Il y aura, enfin, en collaboration avec la Cinémathèque Royale de Belgique, un séminaire consacré aux films réalisés en Europe, aux Etats-Unis et au Vietnam pendant la guerre (le film de Chris Marker Loin du Vietnam en constitue un des exemples les plus connus).
Enfin, il y a cette notion à laquelle Freddy Laurent, le fondateur du prix Bruno Merch tient beaucoup, celle de "conciliation", c’est-à-dire la capacité de concilier des choses qui, à première vue, apparaissent contraires. Lorsqu'on met en résonance des choses opposées mais avec une certaine distance et un certain regard, on peut les faire coexister et faire surgir de nouveaux points de vue, de nouvelles sensibilités. Cela nous semble très important dans le cadre de Filmer à tout prix.