Point de départ de la réflexion de son travail de Bachelor 3 à la Cambre, la question "Qui serais-je si j'étais un homme ?" amène l'étudiante à créer un court métrage inventif et intelligent. Son film renvoie les femmes à elles-mêmes avec humour et ouvre les horizons des formes classiques de l'animation.
Si j'étais un homme de Margot Reumont
Dans le cadre de la compétition nationale d'Anima 2013 "C'est du belge", le court métrage de Margot Reumont se démarque. Il est le seul à mêler interviews filmées et dessins animés. Durant cinq minutes, Marie-Brune, Mouna, Florence, Emilie et Sabrina décrivent, devant la caméra, l'homme qu'elles auraient pu être mais ne seront jamais; et la réalisatrice, elle, le fait naître sous nos yeux. Prenant le parti que l'animation a le pouvoir de créer ce que l'on ne peut montrer, son crayon gratte et dessine, mettant à jour les projections mentales des femmes interviewées. Ainsi, tandis que le film rend compte du réel et nous montre le visage de cinq d'entre-elles, le dessin, lui, parle au conditionnel et nous emmène dans un monde parallèle, imagé et imaginé, un monde de fantasmes masculins au féminin.
Apparaît l'homme sous ses coutures : tour à tour fort et sans peur, geek planté devant sa télé ou fantasme « gainsbourien » du dandy aux mille conquêtes ; tous les clichés sont là. Les femmes s'imaginent souvent en hommes tels qu'elles les aiment ou tels qu'elles voudraient qu'ils soient. Plus légers, moins préoccupés par la maternité et l'apparence physique, et finalement plus aptes à partir à l'aventure et se réaliser.
Mais si le discours de la jeune réalisatrice s'arrêtait là, il serait commun, voire simpliste. Or, Margot Reumont va plus loin. Son univers pictural s'émancipe et joue avec les idées reçues. Qu'est-ce qu'être un homme fort si l'on finit soldat bêtement tué à la guerre ? Qu'est-ce que l'envie de découvrir le monde, si l'on se cantonne à jouer aux jeux-vidéos ? C'est ainsi que l'aventurier tant rêvé se transforme en cafard allant de part en part sur des pizzas surgelées. L'ironie de la jeune réalisatrice amuse autant qu'elle fait réfléchir. Parfois même, son image animée n'hésite pas à devenir image-en-action pour s'emparer du joli minois des filles que nous avons devant les yeux. L'ingénieur dans la peau duquel s'imagine Marie-Brune se matérialise, la revêtant petit à petit de l'uniforme-type de l'employé trop sérieux : un costume, une cravate et une paire de lunettes. Plus de petite jupe colorée ni d'études d'art en perspective. Pour elle, dans la peau de l'autre sexe, il aurait fallu beaucoup plus assumer.
En fin de compte, les femmes n'oublient-elles pas souvent qu'elles fantasment la condition masculine alors qu'elles devraient s'autoriser à être celle qu'elles aimeraient sans limite ni barrière ?
À l'heure où les questions de genre sont plus que jamais au centre de nos préoccupations sociétales, notre curiosité est aiguisée par ce petit reportage. On se rend compte, en même temps que Marie-Brune, Mouna, Florence, Emilie et Sabrina prises au dépourvu par cette question qu'elles ne s'étaient jamais posée, que le chemin est encore long avant de réussir à faire tomber tous les clichés. Alors nous aussi, demandons-nous qui nous aurions été dans la peau du sexe opposé.