Après RAS nucléaire, rien à signaler, en 2009, et Tchernobyl 4 ever en 2010, Alain de Halleux continue à explorer la rationalité « scientifique » à court terme des industries nucléaires avec Welcome to Fukushima. La catastrophe nucléaire de Fukushima a succédé, trente ans après, à celle de Tchernobyl (1986). Le réalisateur s'est rendu à Minamisōma, ville située à 25 kilomètres (16 miles) de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, à la lisière des 20 kilomètres autour de cette centrale considérés comme contaminés.
Welcome to Fukushima d'Alain de Halleux
La population est divisée, comme la ville qui rassemble trois anciennes municipalités : Kashima (Nord), Haramachi (centre) et Odaka (sud). Seul Odaka fait partie des 20 kilomètres de la zone très irradiée. Une partie de la population veut être évacuée, une autre souhaite rester en décontaminant et en reconstruisant la ville. Tepco, l'industrie nucléaire qui domine le monde politique nippon, après avoir fait le dos rond, ne verse plus d'argent aux victimes. En somme, qu'ils se débrouillent eux-mêmes, en néo libéraux bon teint ! Les patrons de Tepco rappellent qu'ils sont là pour faire du profit, et non pour aider les pauvres. Ainsi, Katsunobu Sakuraï, le maire, s'est vu obligé de lancer un appel diffusé sur You Tube, un SOS mondialisé pour sauver et reconstruire sa ville dévastée par le tsunami.
Chacun pour soi et le profit maximum serait la nature humaine profonde ! Que serait devenue la philosophie des samouraïs, les défenseurs de la collectivité ? Alain de Halleux commence et termine son film avec eux, sur cette tradition centenaire du Japon. De même, l'arbre centenaire, qui avait vu des générations se succéder, est mort contaminé par la catastrophe.
L'une des plus belles séquences est construite autour d'un citoyen qui avait construit, avant Fukushima, un centre pour enfants handicapés et trisomiques. Il doit le fermer parce qu'il y a trop de microsieverts sur le compteur qu'il vérifie tous les jours. « Je leur ai appris à vivre, mais s'ils touchent les feuilles des arbres ou la terre, ils risquent d'être contaminés, à cause de cette foutue centrale ! Maintenant on parle de décontaminer la forêt !», nous dit-il (en effet, le progrès ne s'arrête jamais dans le temps linéaire des partisans de l'événementiel pour qui l'expérience du passé n'est qu'une routine).
Alain de Halleux, revient plusieurs fois dans cette ville coupée en deux, métaphore du danger nucléaire.
Un an et demi après la catastrophe, certains sont revenus pour reconstruire : « Je pensais m'en aller, mais mon avis a changé »... La vie continue, certes, on est tout de même surpris de voir des enfants surfer sur une mer polluée... L'inconscience de l'enfance du monde ? L'inconscience de nos contemporains pour qui une journée chasse l'autre, un événement en remplace un autre puisque, nous disent-ils, l'éternité c'est ici et maintenant ? On surfe sur la brièveté de la vie dans une sorte de présent perpétuel où l'imprévu circule toutes voiles dehors. Soyons zen ou samouraï ? Au spectateur de réfléchir...
Un film qui pourrait susciter un débat, à la fois au café du commerce (après tout, les néo libéraux ne cessent de prétendre qu'ils maximisent grâce aux mathématiques ce qui se dit au café) que sur les lieux de l'enseignement de la connaissance que sont les écoles.
Welcome to Fukushima, d'Alain de Halleux le 12 mars sur la RTBF, sur la Une.