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La Vie Sexuelle des belges de Jan Bucquoy

Publié le 01/06/2005 par Philippe Simon / Catégorie: Sortie DVD

Amusons-nous, faisons les fous. "Avec Jan Bucquoy, ça n'arrête pas", tel slogan pourrait résumer l'activité débordante de ce bourreau du travail. Il vient de terminer son dernier documentaire romancé Les Vacances de Noël qui sera bientôt sur nos écrans. Il sort en DVD ses deux premiers longs métrages, La Vie sexuelle des Belges et Camping Cosmos, avec une masse de bonus plus décapants les uns que les autres. Il a en chantier deux documentaires qui devraient conclurent son projet de décalogue : un cycle de dix films consacrés à la vie sexuelle des Belges. Enfin il vient de terminer un CD qui développe, en musique, le programme révolutionnaire de son coup d’Etat annoncé pour le 21 mai 2005. 

La Vie Sexuelle des belges de Jan Bucquoy

DVD, décalogue et nouvelles technologies

Après Camping Cosmos, j’ai cru que je ne ferais plus de cinéma. Puis il y a eu les caméras digitales, les programmes de montage pour ordinateur, etc. Grâce à ces innovations techniques, j’ai pu envisager un cinéma plus léger, plus artisanal. Finis les gros investissements financiers. J’ai donc décidé de continuer. Cela a donné les films qui aujourd’hui composent ce que j’appelle mon décalogue : une série de dix films consacrés à la vie sexuelle des Belges. Je viens de terminer Les Vacances de Noël qui en est le dernier volet et, un peu comme dans Star Wars, il me reste encore deux films en chantier: L’Art du couple et Pamela ou le goût du cinéma qui sont les épisodes 8 et 9 de la série. Une fois ceux-ci terminés, je compte tout sortir en DVD. En fait, j’ai déjà commencé. Mes deux premiers films, La Vie sexuelle des Belges et Camping Cosmos viennent de sortir en DVD. Et j’y ai mis plein de bonus sur les attentats pâtissiers, le musée du slip, de la femme nue, beaucoup de documents sur mes actions d’éclat comme quand j’ai brûlé un Magritte par exemple. Et je compte faire pareil pour mes autres films. Pour La Société du spectacle et ses commentaires, film que je trouve un rien austère, je vais lui ajouter en bonus ces émissions de télévision où j’apparaissais comme un provocateur et qui furent de vrais scandales et souvent interdites. Pour moi, les dix films et les bonus qui les accompagnent forment un tout. Un parcours avec  réflexion d’où ce dégage une ligne générale. Et cette ligne générale est cohérente et c’est cela qui m’intéresse, faire voir cette cohérence. Et pour cela le DVD, c’est formidable, c’est comme une seconde diffusion. Aujourd’hui, le home cinéma est devenu une réalité. Le DVD rentre directement chez les gens. Ainsi dans le cas de mes deux premiers films, beaucoup de gens qui en ont entendus parler sans pouvoir les voir, vont enfin pouvoir les découvrir. C’est important de ne pas disparaître et donc je m’adapte. En définitive, le DVD apparaît comme une possibilité de sauver le film d’essai qui autrement était condamné à l’oubli et je trouve cela une excellente chose.

 

Cinéma autobiographique

Le décalogue se termine avec Les Vacances de Noël et c’est normal. On y retrouve Noël Godin et moi-même. Nous sommes à cet âge avancé où comme mâles dominants, nous sommes rejetés du jeu sexuel. La séduction ne fonctionne plus et nous devons nous tourner vers de très jeunes filles parce que toutes les autres sont prises. Et bien sûr cela ne marche pas. Et bien sûr nous sommes ridicules. Ce qui m’intéressait chez Noël, c’est que justement il refuse ce constat de la vieillesse. Il n’a aucun doute sur ses potentialités de séducteur. Il imagine le monde comme il le veut et tout va bien pour lui car tout est possible. Et c’est là que j’interviens. Pour moi, le cinéma c’est le conflit. Dans cette difficulté de vivre le fait que l’on vieillit, de ne pas l’accepter, il y a conflit. Le cinéma comme la vie, c’est aussi le doute, c’est pouvoir relativiser, regarder autour de soi et se poser des questions sur son propre comportement, sur ce que l’on accepte de vivre. Il doit y voir de la remise en question. C’est pourquoi j’interviens de plus en plus dans le film. Je suis celui qui doute. Si je n’intervenais pas, on aurait un long monologue uniforme vu que Noël ne conçoit pas de se remettre en cause. Cinéma autobiographique parce que je pars de ma vie. Je dis je et nous en même temps. Plein de gens m’ont dit : «J’ai vécu exactement la même chose ». Ils me l’ont dit en Asie, aux Etats-Unis, partout. Ça veut dire que mon point de vue est juste. Et puis c’est étrange comme l’intime se partage. En me mettant dans le film, j’ose montrer ce qui est d’habitude caché. Et je le fais avec une certaine crudité, comme la vie. On ne parle pas de nos problèmes d’impuissance sexuelle par exemple, moi bien.

 

Réalisme

Le CD

Ce que je fais n’est pas de la fiction, ce n’est pas du rêve, c’est direct, c’est là. Ce qui m’ennuie dans le cinéma de fiction d’aujourd’hui, c’est que je ne marche plus, je n’y  crois plus. Avec ma série de La Vie sexuelle des Belges, j’ai essayé de mélanger fiction et documentaire, j’ai appelé cela le documentaire romancé parce que je cherchais un certain type de réalisme. Réalisme que j’ai trouvé avec les nouvelles technologies. Un cinéma en situation. Le côté en situation cela ajoute du jeu improvisé. En gardant toutes les traces d’une prise directe et forcément unique, j’essaye d’être au plus près de ce que j’ai ressenti. Mon point de vue et mon émotion. Par exemple avec Les Vacances de Noël, j’ai mis des jeunes filles qui chantent a capella des chansons connues : La vie d’artiste, Il n’y a pas d’amour heureux, C’est la vie, etc. J’avais l’idée de faire participer l’intervention musicale au récit. Ces filles qui chantent sont un peu mon contrepoint comédie musicale. Je trouve cela comique et puis il y a cette dimension improvisée, impromptue. Pour moi, cela ajoute au réalisme, c’est pris sur le vif, j’aime bien quand les filles hésitent sur les paroles, se trompent, oublient leur texte. Je me moque des critiques qui disent que cela fait potache, brouillon. Je défends cette façon de mettre en récit la vie en gardant les imperfections, les hasards, les erreurs, les dérapages. J’aime ce côté non fini. Je crois que ce type de réalisme renvoi directement le spectateur à ce qu’il vit. La vie n’est pas fabriquée et le cinéma devant en rendre compte, doit avoir lui aussi ce côté en recherche. Le cinéma ne doit plus servir d’échappatoire à une vie disloquée. La réponse au cinéma opium du peuple, c’est le cinéma de l’aventure de la vie. Bon là-dessus, il y a un coup d’état qui m’attend. Pour ceux que ça intéresse, rendez-vous le 21 mai pour occuper la Belgique. Pour ma part, je me charge du Palais royal. Donc à bientôt. (Et il l’a fait !!!)


La Vie sexuelle des belges - Camping Cosmos
Jan Bucquoy, 2 DVD édités par Boomerang Pictures

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