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Le Pèlerin de l’enfer d’Henry Schneider - Belfilm

Publié le 06/02/2009 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Sortie DVD

En odeur de sainteté

« C'est un devoir pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n'ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plaît ». Epîtres de Saint Paul, XV, 1
Made in Belgium nous revient ce moi-ci avec un film de 1946, Le Pèlerin de l’enfer d’Henry Schneider. Ce pèlerin n’est autre que le célèbre Père Damien qui, en 1873, alors qu’il est en mission à Honolulu va se porter volontaire pour vivre sur l’île de Molokai, enfer où les autorités écartent sans ménagement les malades atteints de la lèpre. Ce biopic retrace la vie du saint homme participant ainsi à une légende qui ne s’est pas éteinte avec sa mort.

Le Pèlerin de l’enfer d’Henry Schneider - Belfilm

À une époque où il est difficile de s’entendre entre communautés, il est bon de revenir à des personnages fédérateurs. En 2005, le Père Damien a été élu « Plus grand Belge de d’Histoire » par les téléspectateurs flamands. Les francophones, eux, lui ont cédé la troisième place, laissant la première à Jacques Brel… Difficile de comparer un artiste (merveilleux, certes !) et un prêtre béatifié en 1995 qui donna sa vie pour les autres. Le Père Damien fait figure de légende. Sa notoriété a dépassé les frontières et ne semble pas se tarir. Il y a 10 ans, Paul Cox revenait sur ce personnage haut en couleur avec <Molokaï : The Story of Father Damien, un mélodrame coproduit par la Belgique, les Pays-Bas et l’Australie. Le film d’Henry Schneider est un projet plus modeste, tourné en grande partie en studio et dans la forêt de Soignes.

1888. Le Père Damien, mourant, défiguré par la lèpre, s’excuse devant ses fidèles de ne plus avoir la force de célébrer la messe de minuit. Reconduit chez lui au moment où, sans nul doute, il vit ses dernières heures, il revoit sa vie défiler. Le film se déroule donc comme un long flash-back retraçant brièvement sa jeunesse en Flandre et s’attardant sur son arrivée aux îles Hawaï. La naïveté du décor et des personnages avec colliers de fleurs autour du cou et ukulélé rappelle une utopie façon La machine à explorer le temps où les  « bons sauvages » vivent dans l’insouciance et dans une nature luxuriante. La lumière saturée des premières scènes va offrir un beau contraste à l’arrivée en enfer, l’île de Molokai donc, faite d’ombres inquiétantes, de misères, de violences et de mort, une atmosphère apocalyptique qui n’est pas sans rappeler celle représentée dans les tableaux de Jérôme Bosch. De même, à la beauté des jeunes hawaïens (qui, notons le, sont incarnés pas des acteurs belges !) dans la force de l’âge, s’oppose les faces rongées de ces habitants abandonnés de tous. 

L’idée de mettre en scène un tel sujet est en soi ambitieuse. Comment imposer au regard du spectateur des visages ravagés par la lèpre sans que cela devienne insoutenable ? (D’autant que les maquillages sont assez saisissants !) Le noir et blanc, tout d’abord, parvient à transfigurer la monstruosité, le meilleur exemple étant sans aucun doute Elephant man de David Lynch. De plus, Henry Schneider, habilement, se focalise sur le père Damien qui est de tous les plans, les malades n’intervenant que dans des scènes relativement courtes.

Robuste, courageux, l’image du Père incarné par l’acteur Robert Lussac est avant tout celle d’un homme plus que d’un saint. Même si certains passages tombent quelquefois dans le piège du mélodrame sur joué et par là, la caricature, son physique en impose incontestablement. C’est l’acteur lui-même qui oeuvra pour la réalisation de ce film dont l’ambition ne fut pas de faire du prosélytisme religieux mais bien de montrer comment par la seule force de la volonté et le sacrifice de soi, il est possible de changer le monde.

Bonus
Un petit documentaire anonyme de 8’ revient sur la jeunesse du Père Damien. Des images sans son de son village Tremolo, sa maison natale, son neveu travaillant la terre, Braine-le Comte où il fit ses études et trouva sa vocation, Louvain et le couvent qui l’accueillit, puis Paris et enfin son embarquement vers les îles Hawaï.

Le Pèlerin de l’enfer - Henry Schneider - 1946 - 90’
Scénario : Robert Lussac, Henry Schneider, Henri Storck
Avec : Robert Lussac, Dounia Sadow, Robert Maufras, Gaston Bréval, Max Péral, Cara Van Wersch, Charles Mahieu, Werner Degan, Sylviane Ramboux, Greta Lens, Anne-Marie Ferrières


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