Cinergie.be

Leven en dood op het land d'Emile Degelin - Belfilm

Publié le 06/11/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Sortie DVD
Leven en dood op het land d'Emile Degelin - Belfilm

Partie de campagne

 
Premier long métrage de fiction en langue flamande réalisé par Emile Degelin, Leven en dood op het land se compose de deux segments bien distincts se rejoignant dans les thématiques de l’isolement campagnard, deux moyens métrages adaptés de deux des plus grands écrivains flamands naturalistes du XXème siècle : Stijn Streuvels avec In ’t Water(Dans l’eau) et Karel van de Woestijne avec De Boer die sterft (Le Paysan qui se meurt).
Dans In ‘t Water, Jan Boele, jeune ouvrier fiancé à Tale, une fille de sa classe sociale, tombe amoureux d’une jeune et belle bourgeoise, Poezeke. Tout le village, choqué, se ligue contre lui, et l’oblige à épouser sa fiancée qui vient de lui donner un enfant. Par désespoir, Jan se suicide en se jetant dans l’Escaut, imité peu après par sa jeune épouse. In ‘t Water est un récit naturaliste à la dramaturgie épique, fortement inspiré par l’œuvre d’Emile Zola. Degelin arrive, avec talent, à nous faire croire au dilemme cornélien que subit le jeune Jan : un dilemme dont il n’arrivera pas à se dépêtrer, préférant, impuissant, choisir la mort. Ce sont les conventions sociales qui rendent la vie de Jan totalement impossible : tous ses proches, de ses parents à Monsieur le Curé, en passant par tous les paysans du village, sont outrés par la possibilité d’une idylle entre un des leurs et une fille de bonne famille ! 
 
Partagé entre sa femme, paysanne pur porc aux mains robustes de travailleuse, et la découverte d’un être gracile, élégant, au charme inégalable, sorte de naïade sortie d’un conte de fée, Jan ne peut survivre à ce terrible choix. Effondré, terrassé par la force inhumaine de sa tentation, mais résolu à en finir, il choisit donc la mort, suivi de près par la figure touchante de sa femme, qui n’avait jamais appris à être autre chose que « sa femme »… Une peinture de l’intolérance quotidienne, vicieuse, s’insinuant lentement (mais sûrement) sous couvert du respect des bonnes mœurs qui ont ici bon dos ! Une problématique à portée universelle ! D’après Degelin, ce n’était d’ailleurs pas tant l’idée d’adapter à l’écran deux nouvelles importantes de notre patrimoine national qui l’intéressait, mais plutôt de faire ressortir de ces récits le caractère universel afin de les rendre compréhensibles et attrayants à un niveau international. Pari réussi puisque, outre un Grand Prix au Festival des films belges à Anvers en 1964, Leven en dood op het land participa également à la compétition internationale du Festival de Berlin en 1963, où il fut très bien accueilli par la presse étrangère. 
Dans De Boer die sterft, Nand, un vieux paysan flamand allongé sur son lit de mort se plaint de ne jamais avoir connu le bonheur. Dans une sorte d’hallucination, il va voir défiler les images de sa vie sous cinq aspects différents. Chaque perspective correspond à l’un des cinq sens et est inspirée par le souvenir d’une personne qu’il a connue et qui lui fût chère. Ces cinq versions mises bout à bout nous donnent une vision d’ensemble de ce que fut sa vie : une existence austère et simple, mais transcendée par son contact avec la terre. D’abord sceptique et méfiant, le mourant finit par se laisser convaincre que la simplicité de sa vie avait une réelle valeur, un sens. Il se rendra compte qu’il a vécu une vie en harmonie avec la nature, une vie joyeuse. Il mourra avec le sourire.
Degelin semble ici avoir pour but principal de souligner la routine quotidienne de la vie du paysan, tout en la baignant dans une sorte de poésie picturale pas très éloignée des films des néo-réalistes italiens alors en pleine vogue. Le montage sait parfois se faire assez frénétique, prodiguant à l’ensemble une sorte d’urgence… l’urgence pour le vieillard de donner un sens à sa vie avant que celle-ci ne le quitte. L’œuvre de Karel van de Woestijne peut être comparée au fameux A Christmas Carol de Charles Dickens, dont il reprend la structure et l’idée des fantômes du passé qui apparaissent en rêve afin d’influencer le présent.
Afin de rendre justice à la simplicité et l’authenticité de la vie campagnarde, Degelin a fait appel uniquement à des décors naturels et à des acteurs amateurs, des paysans du cru choisis sur les lieux de tournage afin d’éviter tout effet théâtral. Dans le film, ces acteurs portent leurs propres vêtements et parlent un flamand fidèle à leur dialecte local. Le film, produit pour un budget de film documentaire, fut tourné en équipe réduite (une équipe de documentaire) afin que les acteurs non professionnels aient une confiance totale en Degelin.
Si par la force des choses, les acteurs ne sont pas toujours très bons (en particulier Maurice De Roeck qui incarne Jan), force est de constater que c’est bien avant toute chose l’authenticité et la minutie de la représentation qui constitue le point fort de Leven en dood op het land. Les acteurs pallient donc leur manque de professionnalisme par une apparence 100% authentique, belle expression de la naïveté et de la simplicité de ces temps révolus. Les arbres, les fleurs, le pain, les champs, les animaux, le travail du labour, l’égorgement des bêtes, la rudesse de la vie campagnarde… tous les gestes quotidiens sont filmés avec un véritable amour pour la campagne et pour ce style de vie aujourd’hui désuet, conférant au film de Degelin son style bien à lui, mais également un statut de témoin privilégié d’un temps poétique et simple, un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître….

Tout à propos de: