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Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault

Publié le 25/04/2024 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Panique au Parlement

Bruxelles, 2012. Quand le commissaire à la santé, John Dalli (Maurizio Marchetti), est limogé du jour au lendemain pour ses liens présumés avec l’industrie du tabac (après une enquête expédiée de l’OLAF, l’Office européen de lutte antifraude), le député européen d’Europe Écologie José Bové (Bouli Lanners) et ses assistants parlementaires, persuadés que l’accusé a été piégé, décident de mener leur propre enquête. Au prix de nombreux efforts et sacrifices, ils mettent au grand jour un complot d’envergure menaçant de déstabiliser les instances européennes jusqu’à leur sommet, où trône alors José Barroso (Joaquim De Almeida), l’autoritaire président de la Commission européenne. Première question troublante : pourquoi Dalli fut-il renvoyé deux jours AVANT que Barroso ait reçu le rapport de l’OLAF ?... Bové et ses collègues tentent d’obtenir l’ouverture d’une enquête parlementaire spécialement dédiée à ce scandale, estimant que la Commission doit rendre des comptes au Parlement, principe élémentaire du fonctionnement démocratique de nos institutions ! 

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault

Le second film d’Antoine Rimbault (après Une Intime Conviction en 2018, dans lequel Olivier Gourmet incarnait l’avocat Éric Dupont-Moretti) est une adaptation de Hold Up à Bruxelles : Les Lobbies au Cœur de l’Europe, ouvrage co-écrit par José Bové et Gilles Luneau, qui retrace les conclusions sur ce coup monté et les recherches ayant fait éclater l’un des plus importants scandales ayant entaché les institutions européennes : un complot aux ramifications étourdissantes ourdi pour faire disparaître une directive antitabac que Dalli, le bouc émissaire de l’histoire, était en train de mettre en œuvre. 

Pour incarner le héros du film, le député à la grosse moustache, grande figure du mouvement altermondialiste, connu pour ses prises de position contre les pesticides, les multinationales, la mondialisation et les OGM, et dont le capital réside dans sa notoriété médiatique, ses prises de risques (il s’est retrouvé quelques fois derrière les barreaux, pour de très courtes peines) et sa façon très personnelle de secouer le cocotier, qui d’autre que Bouli Lanners ? Ce n’est un secret pour personne : l’acteur césarisé pour La Nuit du 12 partage les convictions écologistes et les positions humanistes de José Bové ! Il l’incarne avec un mélange de truculence, d’humour et de discrétion, avec un sourire en coin et l’œil toujours malicieux. Mais Bové fait partie d’une équipe et, à l’écran, son « personnage » sait s’effacer devant ses camarades : Thomas VDB incarne un ami fidèle rongé par le doute, et la pétillante Céleste Brunnquell une « rookie » idéaliste et redoutablement intelligente. Décrit sans ambiguïté comme un Don Quichotte des temps modernes, Bové est présenté comme le contraire d’un carriériste. Alors que la plupart des parlementaires n’agissent que pour monter les échelons et conserver leur poste, il semble uniquement intéressé par la justice, même lorsque son combat, souvent frustrant, n’apporte que peu de résultats ou n’aboutit à rien. 

Pour résumer avec ironie le grand cirque des institutions européennes, Antoine Raimbault utilise la métaphore des portes d’hôtel qui tournent : « Tu travailles au sein des institutions au profit de l’intérêt général, tu te fais draguer par les lobbies, et à la fin, tu passes de l’autre côté. Bienvenue à Bruxelles ! » Faisant le constat d’un système pourri de l’intérieur où les conflits d’intérêts sont monnaie courante et où les hauts gradés se croient au-dessus des lois, Une Affaire de Principe se conclut toutefois par un adage non dépourvu d’espoir, credo d’un groupe d’hommes et de femmes intègres prêts à risquer leur carrière pour que justice soit faite : « Le problème, ce n’est pas les institutions, c’est ceux qui les font ». À méditer…

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