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Amal de Jawad Rhalib

Publié le 31/01/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Amal de Jawad Rhalib est assurément l’un des films belges les plus marquants de 2023. Diffusé en première belge au Film Festival Gent, le dernier long métrage de ce réalisateur de films de fiction et de documentaires est une petite pépite qui révèle de manière brutale et sans concessions les affres de la radicalisation en milieu scolaire en Belgique francophone.

Amal de Jawad Rhalib

Avec une performance XXL, Lubna  Azabal que Cinergie.be avait rencontrée lors de la sortie du film Le Bleu du caftan, crève littéralement l’écran dans un film à mi-chemin entre fiction et réalité. En interprétant le rôle d’Amal, une professeure de citoyenneté et de littérature au sein d’une école secondaire, cette comédienne belge née à Bruxelles met à jour les difficultés des enseignants à lutter contre les phénomènes de radicalisation qui peuvent se produire au sein des écoles.

La première scène du film est émouvante et révèle la souffrance d’une jeune fille, interprétée par Kenza Benbouchta. Cette dernière est sous la douche le corps meurtri par diverses blessures à l’épaule et au visage. Son dos laisse apparaître un tatouage de main de jeune fille tenant une rose avec l’inscription Memento Mori. Ce symbole fait écho aux notions de vie et de mort. Il symbolise de manière originale la pression vécue par cette jeune fille menacée par l’intolérance de sa communauté.

Droit à l’homosexualité, islam véritable versus islam rigoriste, promotion illégale d’un islam radical et de la charia au sein des établissements scolaires, harcèlements et racisme, constat d’impuissance du corps professoral face à ces problématiques complexes, voici quelques-unes des facettes de l’extrémisme religieux et de sa propagation qui sont abordées dans cette fiction captivante et bouleversante. La spontanéité des jeunes et leur jeu de comédien confèrent un réalisme surprenant au scénario terrifiant issu de l’imagination de Jawad Rhalib.

La narration du film repose sur les échanges entre une classe de 5e secondaire et cette professeure, Amal, qui tente d’enseigner la tolérance et le respect du prochain à ses élèves. Un des messages clés qu’elle profère auprès de ses élèves est le caractère intime et personnel de la conviction religieuse. Très vite des divergences d’opinions vont naître et une escalade dans la violence va s’enclencher.

Lors d’une scène marquante du film, Amal fait réciter les poèmes d’Abu Nawas, un célèbre poète arabe du 8e siècle, par sa classe. Né en Perse (Iran actuel), ce dernier se moquait des autorités religieuses et sociales de son époque. Sa poésie libertine, satirique et hédoniste a fait connaître ses œuvres à travers le monde. Il est considéré comme l’un des plus grands poètes de l’âge d’or de la poésie arabe classique. Personnage controversé, certains le voient comme un symbole de la liberté artistique tandis que d’autres considèrent ses écrits comme contraires aux enseignements de l’islam.

Jawad Rhalib est un réalisateur et documentariste belge d'origine marocaine, connu pour ses films socialement engagés, notamment La Révolution rose et Au temps où les Arabes dansaient. Il explore des questions de société, d'identité et de radicalisation à travers son travail cinématographique. Amal s’inscrit dans la continuité de ses œuvres précédentes.

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